1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 s jésuites (9 février 1924)a M. de Montherlant est considéré par plusieurs comme l’un des héritiers de Barrès. Le rappro
2 me l’un des héritiers de Barrès. Le rapprochement est peut-être prématuré, tout au plus peut-on dire qu’à l’heure présente
3 cherche de la vérité. Dès son premier livre, il s’ est montré tout entier, il a bravement affirmé son unité. Car le temps n’
4 il a bravement affirmé son unité. Car le temps n’ est plus, où les jeunes gens se faisaient, avec sérieux, des âmes excepti
5 ssance à la doctrine de M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et casquée pour la lutte de l’après-guerre. ⁂ Deu
6 umanitarisme, le bolchévisme. L’autre philosophie est celle de l’antique Rome, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissanc
7 ordre, pour M. de Montherlant comme pour Maurras, est ce qu’il importe de sauvegarder, avant tout autre principe. Jusqu’ici
8 l dans cette conception simpliste du monde, qui n’ est en rien différente de celle de l’Action française ; remarquons toutef
9 atholicisme et du christianisme, le christianisme étant dans le même camp que la Réforme. M. de Montherlant n’est décidément
10 le même camp que la Réforme. M. de Montherlant n’ est décidément pas philosophe. Peut-être ne lui a-t-il manqué pour le dev
11 . Dans sa hâte salvatrice, M. de Montherlant ne s’ est même pas demandé si ces deux contrepoisons pouvaient être administrés
12 e pas demandé si ces deux contrepoisons pouvaient être administrés ensemble. L’opération faite, il a pourtant fallu la justi
13 il a pourtant fallu la justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe de logique, admirablement masqués
14 Paradis à l’ombre des épées 1, son dernier livre, est consacrée à « fondre dans une unité supérieure » l’antinomie de l’esp
15 ble d’autant plus paradoxal que M. de Montherlant est justement un des premiers Français qui ait compris que le but du spor
16 rs Français qui ait compris que le but du sport n’ est pas la performance, mais le style et la méthode, c’est-à-dire la form
17 la partie doctrinaire de cette œuvre, elle ne lui est pas indispensable : « Ces simplifications valent ce que valent toutes
18 ées générales, et j’avoue bien volontiers qu’il n’ est pas une opinion sur le monde à laquelle je ne préfère le monde ». Je
19 ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix sont désignés… ». Voici passer un coureur : « À peine a-t-il touché la pis
20 re et ciel. Mais sa foulée, bondissante et posée, est pleine du désir de l’air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends
21 c’est la domination de la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cette domination qui est le but véritable du spor
22 qui est exaltante, et c’est cette domination qui est le but véritable du sport. On accepte une règle ; on l’assimile, à te
23 une règle ; on l’assimile, à tel point qu’elle n’ est plus une entrave à la violence animale déchaînée dans le corps du jou
24 siode et qui gouverna le monde ancien : La moitié est plus grande que le tout ». Le sport comme un apprentissage de la vie 
25 ique tressé dans vos couronnes de laurier. Vous n’ êtes pas couronnés d’olivier. La main connaît la main dans la prise du tém
26 pas en vain. Le chef se dresse entre les dix qui sont à lui. Il dit : « Je ne demande pas qu’on m’aime. Je demande qu’on me
27 ne demande pas qu’on m’aime. Je demande qu’on me soit dévoué. » Ils disent : « Tu es notre capitaine. » Ces choses ne sont
28 demande qu’on me soit dévoué. » Ils disent : « Tu es notre capitaine. » Ces choses ne sont pas dites en vain. Stades que p
29 disent : « Tu es notre capitaine. » Ces choses ne sont pas dites en vain. Stades que parcourent de jeunes et purs courages,
30 insi compris, plus que l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlant répondra :
31 . de Montherlant répondra : non, car la faiblesse est le péché capital pour le sportif. Or c’est la faiblesse « qui fait le
32 lesse « qui fait lever la haine ». « La faiblesse est mère du combat. » C’est donc à un lacédémonisme renouvelé que nous co
33 constructive » : porter l’effort sur ce qui doit être , et ce qui ne doit pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à l’
34 ffort sur ce qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-i
35 ompte à distance de la contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de l
36 n sur laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jé
37 rales » ne vaillent rien2 ; sa morale virile nous est néanmoins plus proche que la sensualité vaguement chrétienne de tel a
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
38 point de départ. Mais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils en reviennent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscient
39 u peintre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili. Est -il besoin de souligner l’importance de telles prises de contact entre
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
40 blement lucide, ce regard en arrière. Montherlant est dur pour ses erreurs plus encore que pour celles de l’adversaire, ce
41 us encore que pour celles de l’adversaire, ce qui est beaucoup dire. Il y avait dans le Paradis je ne sais quel relent de b
42 barie, un assez malsain goût du sang. Tout cela s’ est purifié dans le Chant funèbre. Et une phrase telle que « … Nous somme
43 e Chant funèbre. Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper en nous inquiétant de faire, à notre plac
44 nt de faire, à notre place modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’est une affirmation qui d’un coup condamne beaucoup
45 résignent, puis tablent sur eux, et d’autres qui tiennent qu’une telle attitude est responsable de ces carnages ». Naguère il é
46 x, et d’autres qui tiennent qu’une telle attitude est responsable de ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’a
47 ude est responsable de ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour avoir
48 t ces grandeurs pour n’en pas trop descendre ». N’ est -ce pas une éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe,
49 ore transparaît un doute, parfois : « On craint d’ être injuste en décidant si… cette absence de haine ; cette épouvante, dev
50 des vertus guerrières. « Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré de souvenirs héroïques, peut-être t
51 le souvenir de l’aventure antique, et dans ce qui fut Rome ou la Grèce, revivre sa tradition. Toute son œuvre pourrait se d
52 Périlleuse carrière de la grandeur où Montherlant est entré de plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que de sacrifi
53  » à la Chateaubriand, voire à la Barrès, dont il est capable et qu’il lui faudra livrer au « feu de vérité » qui brûle dan
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
54 sychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonction
55 equel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la
56 ose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée d
57 sthétique ou morale. » (p. 42). Le surréalisme ne serait -il donc qu’une sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tou
58 tes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est la seule attitude littéraire aujourd’hui concevable. Mais par quelles
59 ittérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule matière poétique. Dans le monde du Rêve autant de cellules i
60 de cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le poète étant un simple sténographe de ses rêves. So
61 êveurs. Toute poésie est incommunicable, le poète étant un simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette
62 e poète étant un simple sténographe de ses rêves. Soit . De ces faits, je tire cette conclusion pratique : inutile de publier
63 ecettes pour faire un poème » cette mystification est dans la logique de ses principes, mais je lui conteste le droit de fa
64 de la poésie pure. Les beautés que j’y vois ne me seraient -elles perceptibles que par le fait d’une fortuite coïncidence entre l
65 ds trop de choses dans ces poèmes qui devraient m’ être parfaitement impénétrables. Je crois même voir que M. Breton serait u
66 t impénétrables. Je crois même voir que M. Breton serait un très curieux poète s’il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pag
67 s où il voulut nous persuader que tout poème doit être une dictée non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne de Poiss
68 sonnements. Plaisante ironie, si cette attitude n’ était qu’une protestation contre nos poncifs intellectuels. Mais elle risqu
69 riaux de démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’ est pas ainsi que nous sortirons d’une anarchie dont les causes semblent
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
70 de la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié en France sur Van Gogh, depuis 1
71 ntient pourtant des vues assez neuves. M. Colin s’ est contenté de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle m
72 s critiques s’en dégagent avec évidence. Van Gogh fut une proie du génie. L’homme tel que nous le peint Paul Colin, est peu
73 génie. L’homme tel que nous le peint Paul Colin, est peu intéressant. On en a connu bien d’autres de ces jeunes gens préte
74 le, c’est que le plus sauvage génie ait choisi un être de cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s’en e
75 ême : « Il y a quelque chose au-dedans de moi. Qu’ est -ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies de
76 Qu’est-ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute p
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
77 vel. Car si la liquidation des questions traitées est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, discipl
78 quidation des questions traitées est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry, puis
79 s si bouillonnants, si mal équarris. Certes, ce n’ est pas lui qui se refuserait à écrire — comme le fait son maître : « La
80 quise sortit à cinq heures ». Une telle platitude est presque indispensable, mais il s’en permet d’autres qui le sont moins
81 ndispensable, mais il s’en permet d’autres qui le sont moins. On n’écrit pas un roman en trois volumes sans y laisser des ma
82 nde pas non plus au puissant boxeur sur le ring d’ être bien peigné. Rabevel, c’était un portrait balzacien du brasseur d’af
83 e rustique de France ». En effet — le phénomène n’ est pas particulier à la France — les paysans sont en train de redevenir
84 e n’est pas particulier à la France — les paysans sont en train de redevenir serfs, serfs des syndicats et des capitalistes
85 ’y manque-t-il ? Un style ? L’absence de style, n’ est -ce pas le meilleur style pour un romancier ? C’est plutôt, je crois,
86 t et le ton, surtout dans la première partie, qui est confuse. Non pas que le roman soit mal construit, au contraire. Mais
87 ère partie, qui est confuse. Non pas que le roman soit mal construit, au contraire. Mais le tissu des faits se relâche parfo
88 f-d’œuvre d’ailleurs, il reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
89 cuments. La littérature de ces dernières années n’ est qu’une forme de reportage international. L’Europe menant cette immens
90 t qu’on en parle, la vraie « question asiatique » étant une question politique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit un
91 es pour s’y retremper. Les appels de l’Orient, ce sont les Keyserling, les Guénon, qui les font entendre, autant et plus que
92 Schlumberger le définit encore : « … tout ce qui est opposé à l’esprit occidental, tout ce qui peut servir d’antidote à sa
93 on qui n’a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classement parmi les réponses d’une extraordinaire
94 — qui composent ce gros volume. Les points de vue sont si différents, si différentes même les conclusions tirées de points d
95 ment que la question ne se pose pas, puisque nous sommes chrétiens. (Mais le christianisme, religion missionnaire, ne peut nou
96 conclusions ou interrogations, ont le défaut de n’ être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour beauco
97 faits et des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’ est qu’un prétexte à variations sur le thème favori. M. Massis, par exemp
98 es autres entendent vaguement par Orient : l’Asie est le subconscient du monde, formule qui, je pense, réunira tous les suf
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)
99 e de solitude (septembre 1925)f « Dès que nous sommes seuls, nous sommes des fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue q
100 embre 1925)f « Dès que nous sommes seuls, nous sommes des fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par le c
101 sant raccourci psychologique. « Tout homme normal est fait de plusieurs fous qui s’annulent », écrit-il. Ce fou qui veut êt
102 fous qui s’annulent », écrit-il. Ce fou qui veut être soi purement, qui veut éliminer de soi tout ce qui est déterminé par
103 oi purement, qui veut éliminer de soi tout ce qui est déterminé par l’extérieur, — ce fou que nous portons tous en nous, — 
104 ement dans sa recherche d’un absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille ». L’expérience est terminée.
105 nt. Pour finir il « l’écrabouille ». L’expérience est terminée. Artificielle comme toute expérience, elle n’en est pas moin
106 e. Artificielle comme toute expérience, elle n’en est pas moins probante. Une œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Almanach 1925 (septembre 1925)
107 Almanach Fischer donnent une juste idée de ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, la maison pa
108 de entre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’ être un peu embourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps de la moi
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
109 personnages discutent certes, mais leurs actions sont les meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent d’une accumulation d
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
110 n prologue (septembre 1925)j M. Valéry Larbaud est vraiment un étonnant esprit. Pour présenter au public français cette
111 gement, humour léger, notation suggestive, telles sont les vertus de sa critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer un
112 tive, telles sont les vertus de sa critique. Ce n’ est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre qu’on trouvera la mes
113 nalité. Leur Prologue pourrait presque aussi bien être celui d’une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnag
114 -il pas que les personnages des trois nouvelles «  sont réels, très réels, de la réalité la plus intime, de celle qu’ils se d
115 ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’ être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent êtr
116 -mêmes dans leur pure volonté d’être ou de ne pas être … ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être, subissent, une
117 e… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être , subissent, une fois qu’ils sont, le grand malentendu de la personnal
118 o, s’ils veulent être, subissent, une fois qu’ils sont , le grand malentendu de la personnalité. Tandis que chez Unamuno une
119 es affole. Les plus beaux types créés par Unamuno sont ces femmes dures et passionnées, Raquel et Catherine, ou cet Alexandr
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
120 a pensée française (octobre 1925)k Peut-être n’ est -il pas trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau
121 originale de la plupart des idées dont lui-même s’ est fait le moderne champion. Pour ce qui concerne le Vinet juge des roma
122 ques. Dirai-je pourtant que je crains qu’il n’ait été incité parfois, et presque inconsciemment, à gauchir légèrement la pe
123 me » de tout son mysticisme protestant. Et cela n’ est pas sans gêner M. Seillière. C’est peut-être pourquoi il insiste sur
124 otestantisme de Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’ est plus protestant qu’une telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu
125 testant qu’une telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’importance si l’on songe au service que M. Seillière nous re
126 ’un Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point d’appui plus central. Pour notre
127 exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’ est peut-être pas de pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle de
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
128 ervielle, Gravitations (décembre 1925)l « Quel est celui-là qui s’avance » avec ce visage d’entre la vie et la mort « où
129 passage incessant d’oiseaux de la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes solennels ? » Une voix lente aux
130 lente aux méandres songeurs, une simplicité qui n’ est pas familière. C’est bien la poésie d’une époque tourmentée dans sa p
131 anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’ est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la description du monde q
132 dans un monde qu’il s’est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la description du monde qu’il invente nous lasse qua
133 ter me trouble mieux que son lyrisme cosmique. On est plus près de l’infini au fond de soi qu’au fond du ciel. l. « Jules
14 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
134 de forme et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle des Yeats, Synge, Joyce même… Trois noms qui permettent, je cro
15 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
135 éclate le sinistre, et s’arrête au moment où l’on est sûr que ça brûle bien. Quel sujet plus riche pouvait-on rêver pour un
136 la vie d’une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naître la révolution dans
137 it pas autrement que les individus. L’auteur, qui est l’un de ces Anglais, tombe malade avec à-propos et perd connaissance
138 és, à chaque instant, d’explosion. Le géant russe est un enfant : va-t-il rire, va-t-il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ?
139 ’empire. Il le renverse, pour voir. Pendant qu’il est encore ébahi du fracas, le juif survient avec une méthode simplifiée
16 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
140 ion au cours des siècles. Primitivement, le Saint est un homme que Dieu a mis à part par grâce pour qu’il serve. Mais très
141 élévation morale ou leurs souffrances semblent s’ être le plus rapprochés du Christ ; et dans l’Église persécutée, le martyr
142 s saints pour l’exemple de leur vie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’adresser le culte, en son cœur, du cro
143 cœur, du croyant. Le centre de gravité religieux est replacé en Christ. — Comment l’Église catholique réagit-elle ? En cod
144 ’a plus qu’un sens relatif pour nous protestants. Est -ce là nous juger ? Les catholiques nous reprochent d’avoir méconnu l’
145 ste divers ordres de sainteté ». Cette mère qui s’ est sacrifiée aux siens, n’était-ce pas une sainte, comme ce missionnaire
146 té ». Cette mère qui s’est sacrifiée aux siens, n’ était -ce pas une sainte, comme ce missionnaire et cette diaconesse ? S’il n
147 iste des saints dans le protestantisme. Mais il n’ est pas de fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’au
148 t véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, telle est la pensée qu’a vo
149 y a pas de saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le
150 e parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le protestantisme. La place nous manqu
151 vanche du fameux scrupule protestant, qui ne peut être un danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’un esprit anim
152 rotestant, qui ne peut être un danger lorsqu’il n’ est , comme ici, que la loyauté d’un esprit animé par une foi agissante.
17 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
153 saisissement profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’une lueur de conscience inquiète quelques chefs, montre à qu
154 mal. Quant aux meneurs de l’opinion publique, il est trop tard pour les éduquer, il faudrait balayer. Je parle en général,
155 bien qu’un Romier, un Bainville, quelques autres, sont parmi les plus conscients de ce temps ; mais si l’on songe aux batail
156 rtance à leurs tentatives morales, si singulières soient -elles — dont le grand public reste le témoin souvent sceptique ou rai
157 vées par une même tempête. L’unité de notre temps est en profondeur : c’est une unité d’inquiétude. Barrès et Gide : ils on
158 nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec une profonde conviction ; par
159  ; par vertu. Ce qui n’a rien d’étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu c
160 projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu cardinale pour le créateur. Mais quel est ce besoin si général
161 e est vertu cardinale pour le créateur. Mais quel est ce besoin si général de s’incarner, dans le héros de son roman, de se
162 our s’amuser : ni pour amuser un public. Un livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-même. On écr
163 des possibilités neuves, — pour le libérer. Il n’ est pas question de rechercher ici les origines historiques d’une concept
164 mner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’une époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la
165 e jusque-là : il est vain de dire qu’une époque s’ est trompée, puisqu’elle seule permet la suivante qui peut-être retrouver
166 naissance intégrale et culture de soi, telle peut être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il n’a pas fallu longtem
167 n et les sens, entre le moi et le monde : l’ennui est venu avant l’épuisement des combinaisons possibles. Exaltation méthod
168 hodique de nos facultés de plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines douleurs, plaisirs rares ; et les dissonances le
169 sensibilités surmenées. Dégoût, parce que tout a été essayé. Dégoût, parce qu’on se connaît trop, et que plus rien ne reti
170 et forcené gaspillage : la guerre. Certains s’en tiennent à leur dégoût et l’exploitent. Ainsi se légitime le surréalisme, qui
171 d. Révolution toujours ». « Pour nous, le salut n’ est nulle part… » « Je comprends la révolte des autres et quelles prières
172 sans la brusquerie de ses aînés. Encore un qui s’ est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point d’y percevoir comme un a
173 en vain sa Révélation : « C’est peut-être que je suis médiocre entre les hommes ». C’est plutôt qu’il est trop attaché enco
174 s médiocre entre les hommes ». C’est plutôt qu’il est trop attaché encore à se regarder chercher, absorbant son attention d
175 is à l’encontre de son dessein. ⁂ Décidément nous sommes malades dans les profondeurs. Et le mal est si cruellement isolé, com
176 us sommes malades dans les profondeurs. Et le mal est si cruellement isolé, commenté par ceux qui le portent en eux qu’il e
177 en finissent pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps de faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant
178 adoxes, le chaos, etc. — Certes, aucune époque ne fut à la fois plus morale et plus immorale, parce qu’aucune ne s’est auta
179 lus morale et plus immorale, parce qu’aucune ne s’ est autant attachée à chercher dans le seul moi les fondements d’une éthi
180 ul moi les fondements d’une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une morale qui « déforme », qui mutile une tenda
181 onnalité. Toute tendance qu’ils découvrent en eux est non seulement légitime à leurs yeux, mais « tabou » ; et c’est vertu
182 et folie, etc. Si je les cultive simultanément il est clair que les tendances négatives l’emportent, il est plus facile et
183 clair que les tendances négatives l’emportent, il est plus facile et plus enivrant de se laisser glisser que de construire.
184 ilité, et bien que nous niions toute vérité, nous étions dominés par le sens d’une réalité morale absolue que certains d’entre
185 rtyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’ était pas ce qu’il y a vingt ans on nommait blasé. Rien n’était émoussé en
186 s ce qu’il y a vingt ans on nommait blasé. Rien n’ était émoussé en nous, mais pouvions-nous faire abstraction du plan intelle
187 e et Aragon nous montrent le même personnage : un être sans foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre aucu
188 re aucun acte volontaire et raisonné parce que ce serait fausser quelque chose ; à la merci des circonstances extérieures qu’i
189 stera caractéristique de notre époque. Mais Gide est responsable d’une autre méthode de culture de soi, « d’intensificatio
190 déjà une singulière préfiguration : Certes ce ne seront ni les lois importunes des hommes, ni les craintes, ni la pudeur, ni
191 incre. — Mais la joie d’une si haute victoire — n’ est pas si douce encore, n’est pas si bonne que de céder à vous, désirs,
192 si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’ est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’être vaincu sans batai
193 st pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’ être vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre de sophismes conduit
194 par sincérité qu’on mentira, puisque parfois nous sommes spontanément portés à mentir. On en vient naturellement à considérer
195 lisme comme la seule vertu digne d’une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot de par
196 part de nos jeunes moralistes. Le mot de paradoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter à son excès toute chos
197 lique de la pensée : la littérature d’avant-garde est fille de la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour moderne, nerveux,
198 nerveux, saugrenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est un amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La luc
199 de Morand). La lucidité aiguë de nos psychologues est cet état presque inhumain de celui qui n’a pas dormi et qui « assiste
200 ensations, à ses automatismes. En art, la fatigue est un des états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le
201 t de l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complète contre celle d’aujourd’hui, parce que nous somme
202 mplète contre celle d’aujourd’hui, parce que nous sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore une fois, de renier l’immense effort
203 quoi beaucoup sacrifièrent leur jeunesse. (« Nous sommes une génération de cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou b
204 es » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donner une conscience à l’époque, ou se défaire avec elle et dér
205 s 9 !) Quelques jeunes hommes l’ont compris. Ils sont modestes — ne s’isolant pas de la Société ; ils savent que pour lutte
206 a soumission aux lois naturelles ; et leur effort est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs i
207 eurs instincts, ni de les améliorer 10. Tout ceci est assez nouveau. (Après tant de cocktails, quelle saveur a l’eau claire
208 uviennent de penser en fonction du temps présent, soit qu’ils veuillent en améliorer les conditions, ou les transformer tota
209 u concept de littérature », NRF, 1923. 3. « Il s’ était développé en nous un goût furieux de l’expérience humaine. » (Aragon)
210 expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout est fini » dans Libertinage. (NRF) 5. Détours de René Crevel ; les roma
211 ragon, loc. cit. 7. Le « goût du désastre » qui est au fond du romantisme moderne nous empêche secrètement de construire
212 construire et de nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’idéal goethéen : au lieu de tout composer en soi, on v
213 quiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont plus dangereuses que des expériences réelles » (Marcel Arland). 9. C
214 des expériences réelles » (Marcel Arland). 9. Ce serait au moins la liberté ! crieront les surréalistes. Voire. On est moins
215 la liberté ! crieront les surréalistes. Voire. On est moins libre à Moscou qu’à Montparnasse. D’ailleurs leurs théories nou
18 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
216 es Objections des intellectuels au Dieu chrétien, fut introduit par M. Raymond de Saussure, psychanalyste distingué, qui se
217 es de l’Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soir
218 ces faites pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplacer un travail promis p
219 e. Chacun dit ce qu’il pense sans se préoccuper d’ être bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis on
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)
220 prière. On sort lentement d’une chambre bleue qui est le mystère même, pour suivre la naissance et l’embrasement de la pass
221 us les actes une signification plus profonde. (Il serait aisé de montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de famille
222 d’analyses de démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un monde poétique où il paraît inconvenant d’introduire
223 lleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. « Pierre Jean Jouve : Paulina 1880 (NRF, Paris) », B
20 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
224 iques et les vieilles dames à principes. Voilà, n’ est -ce pas, un amusant sujet de conte moral, avec ses personnages un peu
225 vent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à être mise en action plutôt qu’en commentaires. Le talent de Mme de Wattevi
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
226 e, parce qu’il pleut et qu’on s’ennuie. Si la vie est bête à pleurer, sourire est moins fatigant. « Le paon dédaigne encor
227 n s’ennuie. Si la vie est bête à pleurer, sourire est moins fatigant. « Le paon dédaigne encor mais ne fait plus sa roue. »
228 encor mais ne fait plus sa roue. » Ce poète — qui fut aussi le prosateur charmant du Pédagogue et l’Amour — sourit avec une
22 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
229 eu le sens divin de la destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’exemples vivants qu’un véritable r
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
230 iaux qu’on en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en vers. Sa plus
231 ur de Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’ est jamais moins qu’en vers. Sa plus incontestable réussite à ce jour est
232 en vers. Sa plus incontestable réussite à ce jour est le Secret professionnel, petit catéchisme cubiste qui dépasse de beau
233 iques. Mais quelle intelligence, et dont l’audace est de se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les
234 en d’ailleurs que les miracles les plus étonnants sont ceux de la lumière. « Le mystère se passe en plein jour et à toute vi
235 e passe en plein jour et à toute vitesse. » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et de l’art qu’il défend en peinture
236 achine luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité.
237 e vaporeuse. Mais ses fleurs de cristal, si elles sont sans parfum, ne se faneront pas. t. « Jean Cocteau : Rappel à l’ord
24 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
238 ration surréaliste. Mais tandis que la plupart en sont encore à des symboles équivoques et, quoi qu’ils en disent, « artisti
239 — avec une intelligence dont la triste profession est de détruire le désir qu’elle excite par curiosité passagère, il monol
240 monologue. « Oui, je le redirai, tous mes essais furent prétextes à me dissoudre, à me perdre. » Vouloir la vérité pure sur s
241 e « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui est constructif et créateur, voilà je pense le véritable désordre. Une in
242 e procès », une intelligence qui se dégoûte, tel est le spectacle que nous dévoile cyniquement René Crevel. Il en est peu
243 e que nous dévoile cyniquement René Crevel. Il en est peu de plus effrayants. Ah ! Seigneur, donnez-nous la force et le co
25 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
244 t prêt à tout lâcher pour une vérité nouvelle, on tient moins à convaincre qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson, d
245 mal de préjugés en matières sociales. Mais ce qui est peut-être plus important, on eut l’impression, durant les discussions
246 honore la liberté d’un culte moins platonique : n’ est -ce pas Léo qui prétendit qu’on ne peut juger les Associations qu’à le
247 rdot, entrant par la fenêtre, vint annoncer qu’on était libre — comme si on l’avait attendu pour le manifester ! — et qu’il s
26 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
248 la grande ville, phénomène de force en mouvement, est aujourd’hui une catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée de
249 rd’hui une catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usur
250 e use et conduit lentement l’usure des milliers d’ êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de travai
251 nt l’usure des milliers d’êtres humains ». Elle n’ est plus adaptée aux conditions nouvelles de travail ou de repos, ni dans
252 te 1000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant « la ville est une image puissante qui actionne notre esprit » après avoir été créée
253 puissante qui actionne notre esprit » après avoir été créée par lui, — comme la poésie. C’est ainsi que le problème de l’Ur
254 la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera plus fort que Mussolini (lequel s’est d’ailleurs inspiré de lui dans
255 n plan, ce sera plus fort que Mussolini (lequel s’ est d’ailleurs inspiré de lui dans son fameux discours aux édiles de Rome
256 n fameux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est une étude technique et un pamphlet dont l’argumentation serrée éclate
257 , du ciment armé. « Notre monde comme un ossuaire est couvert des détritus d’époques mortes. Une tâche nous incombe, constr
258 100 à l’heure des autos. Les maisons habitées ne sont plus que des enceintes transparentes, et minces en regard de leur hau
259 hitecture avec les ressources de la plastique qui est le jeu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie
260 pportunisme anarchique. Tirer des lignes droites, est le propre de l’homme. Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Crée
261 mineux à la place de nos cités congestionnées, ce serait peut-être tuer au soleil des germes de révolution. Déjà des ingénieur
262 des germes de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de haute poésie — la « 
263 homme sur la Nature. Architecture : « tout ce qui est au-delà du calcul… Ce sera la passion du siècle ». v. « Le Corbusie
264 tecture : « tout ce qui est au-delà du calcul… Ce sera la passion du siècle ». v. « Le Corbusier : Urbanisme (G. Crès, Par
27 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
265 euse (mai 1926)f Écrire, pas plus que vivre, n’ est de nos jours un art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur no
266 vivre, n’est de nos jours un art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si craintifs en même temps, si
267 lement : nous comprenons que nos œuvres, si elles furent faites à l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ;
268 t d’écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux calculs les plus rusés. Nous choisissons les idées comme on
269 ssons les idées comme on choisit un amour dont on est anxieux de prévoir l’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint
270 mots commence le drame de toute vie. Ha ! Qui je suis  ? Mais je le sens très bien ! je sens très bien cette force — ici, je
271 étranges viennent m’habiter ; je ne sais plus… Je suis beaucoup de personnages, faudrait choisir. Vous me direz qui je suis,
272 rsonnages, faudrait choisir. Vous me direz qui je suis , mes amis ; quel est le vrai ? — Ils me proposent vingt visages que j
273 oisir. Vous me direz qui je suis, mes amis ; quel est le vrai ? — Ils me proposent vingt visages que je puis à peine reconn
274 hoses, les faits, la vie, comme ils disent. Je me suis abandonné au jeu du hasard, jusqu’au jour où l’on me fit comprendre q
275 , jusqu’au jour où l’on me fit comprendre qu’il n’ est que le jeu de sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne m
276 , tout le monde devait voir en moi une tare que j’ étais seul à ignorer, était-ce ma fatigue seulement qui me rendait toutes c
277 voir en moi une tare que j’étais seul à ignorer, était -ce ma fatigue seulement qui me rendait toutes choses si méticuleuseme
278 en même temps que je le découvrais, dans tout mon être une force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraî
279 ans tout mon être une force aveugle de violence s’ était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où je connus quelle
280 e une force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où je connus quelle confiance sour
281 ait un des premiers jours du printemps —, l’heure est venue de la violence. Jeunes tempêtes, lavez, bousculez ! La parole e
282 ce. Jeunes tempêtes, lavez, bousculez ! La parole est aux instincts combatifs et dominateurs par quoi l’homme ne se disting
283 i l’homme ne se distingue plus de l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui la dompte, tout ce q
284 trop grand pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’ était plus une douleur rare que j’aimais dans ces brutalités, c’était ma li
285 tombe : agir ? dans quel sens ? Provisoirement j’ étais sauvé d’un désordre où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est d
286 mportant, c’est de ne pas se défaire. Mais rien n’ était résolu. Me voici devant quelques problèmes dont je sais qu’il est abs
287 oici devant quelques problèmes dont je sais qu’il est absolument vain de prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d
288 arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il est une révélation, c’est en me rendant plus parfait que je lui préparera
289 l ne faut plus que je respecte tout en moi. Je ne suis digne que par ce que je puis devenir. Se perfectionner : cela consist
290 tends pas tous les cultiver pour cela seul qu’ils sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers la des
291 r pour cela seul qu’ils sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la const
292 l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’ est pas encore parfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est de che
293 puisque n’est pas encore parfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans
294 e parfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de
295 m’emprisonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est de les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De
296 s ma vie, une vue stupide sur mon état qui peut m’ être dangereuse. (On donne corps à une faiblesse en la nommant ; or je ne
297 demain peut-être, agir dans le monde, si je m’en suis d’abord rendu digne. L’époque nous veut, comme elle veut une conscien
298 etites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’ être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment surmo
299 urire — en songeant à ces raisonnements que je me tiens — plisser un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je le décris.
300 nt d’un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens , j’écoute le vent ; je pense au monde. Chant des horizons, images qui
301 hrases qu’il ne faut pas encore comprendre — tout est si fragile —, mais je sais quelle légèreté puissante, quelle confianc
302 rps et cet esprit… Créer, ou glisser au plaisir ? Êtes -vous belle, mon amie, — et vous, ma vie ? Certes, mais je vous aime m
303 son objet vivant. Pour moi, la sincérité ne peut être que spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire des idées qui m
304 té ne peut être que spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire des idées qui m’aideront. Une fois écrites elles prenn
305 ent pas encore en moi. C’est en quoi ma sincérité est tendancieuse. 5. Quant à adhérer à une doctrine toute faite, ce me s
306 rité d’un système, hors la religion. Un système n’ est pas vrai, il est utile. C’est pourquoi je ne puis comprendre les exco
307 , hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile. C’est pourquoi je ne puis comprendre les excommunications et l
28 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
308 étouffées par des forces qui se lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’on l’éprouve d’abord trop vivement pour le j
309 premiers combats de taureaux du jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’une
310 plus ferme, d’une unité plus pure aussi. Le sujet était périlleux : si particulier, il prêtait à des abus de pittoresque, de
311 cription la plus réaliste de la vie animale. Et n’ est -ce pas justement parce qu’il est poète qu’il peut atteindre à pareill
312 ie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’il peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une perp
313 inc vraiment que ce qu’on aime, et les victorieux sont d’immenses amants »6. Mais envers les taureaux cet amour tourne en ad
314 un peu pauvre pour fonder une religion. Mais ce n’ est peut-être qu’un rêve de poète. Il y a un autre Montherlant, plutôt st
315 n autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espag
316 nt d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’ être , Montherlant impose un tempérament lyrique d’une puissance contagieus
317 s de l’heure. La violence même qui sourd dans son être intime l’en empêche, le préserve des états d’incertitude douloureux,
318 — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les soucis polit
319 che » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne m
320 le chante avec pathétique. Mais c’est parce qu’il est poète : le chant fini, il n’y pense plus. On comprend qu’une telle at
321 ondes de leurs âmes séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là « qui cherchent en gémissant ». Mais cette p
322 solence les forces créatrices, ne vaut-elle pas d’ être élevée en témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue des athlète
323 peut entraîner l’âme dans un élan de grandeur. N’ est -ce point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d
324 ractée, par la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages viennent à l’appui de la théori
29 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
325 vec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’ être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est
326 que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue. C’est parce que
327 etits chapitres à la fois si concis et achevés, n’ est ni un album de vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique
328 une sensibilité protestante — si passionné. Nul n’ est moins oriental que de Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tou
329 s’entendre : les meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plu
330 es Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que dans la peinture elle-même
331 sure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’ est guère de comparaison valable qu’entre individus, et comme type d’indi
332 éfiant », tandis que « l’attrait du christianisme est dans l’inquiétude qu’il nous inflige ». « Ils mettent leur âme en vei
333 Ses remarques sur la psychologie de l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatation fondamentale que
334 ue « notre intelligence et celle de l’Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment collaborer, comment se compren
335 Oriental, les conclusions de M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une matière si complexe — sont plutôt optimist
336 qu’on peut conclure en une matière si complexe — sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire à un péril oriental très p
337 èses hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mais qui reste trop méfiant de tout
338 ne par un voyage à Jérusalem : le christianisme n’ est -il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages
339 le type du voyageur intelligent, qui n’accepte d’ être séduit que pour « mieux comprendre », assez « fidèle » à ses origines
30 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
340 ar les générations précédentes. Parce qu’elles se sont souvent enlisées dans leurs recherches, il ne les condamne pas d’un «
341 gatives. La critique de ces expériences négatives est contenue surtout dans ses essais sur Proust, Pater et Stendhal. Certe
342 essais sur Proust, Pater et Stendhal. Certes, il était temps que l’on dénonce la confusion romantique de l’art avec la vie,
343 autre me paraît liée à cette confusion. Mais s’il est bien établi que les lois de la vie sont essentiellement différentes d
344 Mais s’il est bien établi que les lois de la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il ne s’en sui
345 Autobiographie et le Roman, dont pour ma part je suis loin d’admettre plusieurs thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez
346 de prouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a,
347 ncevoir et s’essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’ est -elle pas une façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici
348 ions qu’il y décèle. Le meilleur morceau du livre est l’essai sur Proust et sa théorie des « intermittences du cœur » dont
349 héorie de la « garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe d’un moralisme nouveau qui se fonderait sol
350 orie assez proche du cubisme littéraire, et qu’il serait bien utile d’adopter, si l’on veut éviter les confusions qui sont en
351 d’adopter, si l’on veut éviter les confusions qui sont en train d’ôter sa valeur littéraire au genre le plus encombré et le
352 re au genre le plus encombré et le plus impur qui soit . On n’a pas ménagé les critiques à cette œuvre. Cela tient surtout à
353 n’a pas ménagé les critiques à cette œuvre. Cela tient surtout à sa forme : il est parfois agaçant de pressentir sous l’expr
354 à cette œuvre. Cela tient surtout à sa forme : il est parfois agaçant de pressentir sous l’expression trop technique ou obs
355 , mais péniblement comprimées. Ce défaut de forme est peut-être inhérent, dans une certaine mesure, au genre de critique pr
356 s de Drieu la Rochelle, les Messages de Fernandez sont les premières contributions à l’établissement d’une éthique adaptée a
31 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)
357 lesquels, pour communier, il faudrait sans doute être né sous le signe du Taureau. Mais il sera pardonné à Montherlant beau
358 s doute être né sous le signe du Taureau. Mais il sera pardonné à Montherlant beaucoup de défauts bien agaçants pour sa souv
359 en agaçants pour sa souveraine désinvolture. Elle est tonique comme le spectacle des athlètes. Et c’est elle avant tout que
32 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
360 — et derrière, elle devient plus secrète. Vers l’ est , des collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où s’
361 ers sept heures, il n’y en eut presque plus. Nous étions seuls sur le pavé qui exhalait sa chaleur, au long des quais sans ban
362 utumance au monde de sensations inconnues où nous étions baignés nous promettait pourtant une connaissance plus intime de cert
363 e de certaine tristesse. Seule une maison blanche est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas d’elle que vient cette
364 blanche est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’ est pas d’elle que vient cette chanson jamais entendue qui nous accompagn
365 emplit notre monde à ce chant. L’odeur du fleuve est son parfum, le soleil rouge sa douleur. Les bœufs blancs, les roues p
366 l désir en nous de comprendre ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus de
367 n’a presque plus de sens, comme le fleuve. Elle n’ est qu’odeurs, formes mouvantes, remous dans l’air et musiques sourdes. P
368 es, remous dans l’air et musiques sourdes. Penser serait sacrilège, comme une barre droite au travers d’un tableau. Nos yeux o
369 ue des roseaux aux feuilles sèches… Puis la brume est venue comme une envie de sommeil. Une lampe dans la maison blanche no
370 n blanche nous a révélé proche la nuit. Nous nous sommes retournés vers la ville. Fleurs de lumières sur les champs sombres d
371 s de lumières sur les champs sombres du ciel de l’ est , et une façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato sur sa
372 me cette brume, une vie étrangère, une paix qui n’ est pas humaine, et qui nous laisse gourds et faibles, caressant en nous
373 fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’ être pliée au vent qui ne parle jamais. Nous fûmes si près de choir dans t
374 se d’être pliée au vent qui ne parle jamais. Nous fûmes si près de choir dans ton silence. Nature ! qui nous enivrait, promet
375 nité de cette façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous,
376 . Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des
377 luxueux des rues. Le long de l’Arno, les façades sont jaunes et roses près de l’eau, puis perdent dans la nuit leurs lignes
378 ds, musiques — cette vie rapide dans un décor qui est le rêve éternisé des plus voluptueuses intelligences — tous les table
379 si tu veux soudain le son grave de l’infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux, au plus beau ciel du monde. h.
33 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jacques Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)
380 us les allégories. L’étonnant, c’est que le livre soit réellement amusant, et qu’il trouve une sorte d’unité vivante dans le
34 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
381 oètes, dissertent sur leurs fantaisies ? Ç’aurait été si délicieusement invraisemblable… Mais ce cœur fatigué se reprend à
382 parfois et nous fait regretter que l’auteur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’un pathétique assez neuf. z. « A
35 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
383 urope à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres persanes : le Chinois s’étonne non sans quelq
384 où l’idée de la civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondues ». Nous cherchons à conquérir non le monde, ma
385 social « comme une adroite fêlure ». Notre morale est entièrement subordonnée à l’action ; notre individualisme en naît log
386 al de l’Occident.) Et notre vertu suprême, aussi, est douloureuse : le sacrifice. Sans doute, cette « absurdité essentielle
387 ui tord aujourd’hui notre race… ». Et peut-être n’ est -il pas de position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser
36 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
388 d’une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire — provisoirement — que satisfaisante pour l’esprit. C
389 lle définitions tendancieuses et contradictoires. Êtes -vous sincères en actes ou en pensées ; envers vous-mêmes ou quelque d
390 s les fluctuations de votre moi ? Votre sincérité est -elle consentement immédiat à toute impulsion spontanée (Gide), ou « p
391 perpétuel effort pour créer son âme telle qu’elle est  » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout conserver en
392 liste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’ est pas encore mêlé de l’affaire. Au reste, on n’a pas attendu les éclair
393 é et spontanéité « Nos actes les plus sincères sont aussi les moins calculés », écrit Gide. D’où l’on peut tirer par une
394 tifient : sincérité = spontanéité. Mais la morale est ce qui s’oppose en premier lieu à la spontanéité. C’est pourquoi Gide
395 C’est pourquoi Gide écrit ailleurs : « En chaque être , le pire instinct me paraissait le plus sincère. » La sincérité spont
396 ne songeait pas qu’il allait faire école. Le fait est que ce geste symbolique a déclenché tout un mouvement littéraire, cel
397 aguère au surréalisme. Tous les héros de roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’abord de s’indi
398 de gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’ est jamais que le résultat d’un mécanisme inconscient, aussi révélateur d
399 nage que ses actions les mieux concertées. Rien n’ est gratuit que relativement à un système restreint de références. Il ré
400 qu’il y a de plus secret dans la personnalité. Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins
401 de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque et plus « entachée d’utilitarisme », la décision ré
402 ssi peu gratuite que possible, d’un Julien Sorel, est -elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonn
403 vrer en gestes, en conséquences matérielles. Ce n’ est plus l’élan pur que je décris : c’est un élan freiné dans mon esprit,
404 J’éprouve le besoin de faire le point : à quoi en suis -je, qui suis-je ? Je revois des actes accomplis, je revis plus ou moi
405 besoin de faire le point : à quoi en suis-je, qui suis -je ? Je revois des actes accomplis, je revis plus ou moins fortement
406 s, dans un ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments qui se proposaient à mon s
407 sentiments qui se proposaient à mon souvenir ont été passés au crible de la minute où je me penchais sur mon passé. Ou, po
408 pour user d’une image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le p
409 sur mon passé, mais sur le moment que je vis1. Il est bien clair qu’on ne saurait atteindre « la vérité sur soi » en se ser
410 . C’est un cas-limite, j’en conviens. Pourtant, n’ est -ce pas le schéma de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de
411 assez précisément la forme d’un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un arrêt (l’auteur se met à
412 ’ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes désirs anciens ne me restit
413 orps et moi, le livre si poignant de René Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de ces ravages du s
414 ns la solitude qu’il s’acharne à approfondir — il était venu y chercher quelque raison de vivre, il voulait se voir le plus p
415 ue a perdu pour moi tout intérêt du jour où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine d’éprouver. » Non. Car à s
416 vidualité. Elle nous crée tels que nous tendons à être (plutôt inférieurs, en vertu des remarques précédentes). Rivière défi
417 perpétuel effort pour créer son âme telle qu’elle est  ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’u
418 avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’ est -ce pas lui-même qui ajoutait que l’homme sincère « en vient à ne plus
419 ère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter d’ être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sinc
420 pouvoir même souhaiter d’être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme mo
421 parfois de contrôle efficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard des dangers que la sincérité du noli me tangere fai
422 olontaire par lequel un Balzac les fait vivre. Ce serait fausser quelque chose à leurs yeux. Le cas des Faux-Monnayeurs le mon
423 s sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincérité obsti
424 e d’un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est -ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas sincère. Ou bien si l’o
425 sincère. Ou bien si l’on prétend que la sincérité est la recherche, puis l’acceptation de toute tendance du moi, je réponds
426 toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin de mentir. Il devient dès lors i
427 devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sincère. Peut-on véritablement se mentir à soi-même, et surtout se pr
428 n désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob.
429 t. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’ est pas menteur », dit Max Jacob. « Être sincère, c’est avoir toutes les
430 bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob. «  Être sincère, c’est avoir toutes les pensées » (Rivière). Mais on ne peut
431 », ce choix faux mais bon, nécessaire à la vie, n’ est -ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussit
432 faux mais bon, nécessaire à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indé
433 us tire aussitôt de l’indétermination violente qu’ est la sincérité selon Rivière. La sincérité véritable vous pousse à fair
434 l’oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à
435 e ou que le « style » est de l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce
436 pris note des passages suivants (les paraphraser serait d’une ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalon
437 ntrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne sommes pas, nous nous créons. Certains se refusent à toute intervention qui
438 qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que d’ être leur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes qui
439 eur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes qui s’ignorent en tant que personnes. Comment se trouveraie
440 (François Mauriac.) La valeur morale de M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait de garder lui-même à son
441 ale d’un homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appe
442 l Jouhandeau.) Ce qu’on appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’il
443 Ce qu’on appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max J
444 (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le personnage est maintenu jusqu’à la mort, il se confond avec l’homme même. (André Mau
445 i idéal que j’appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’imaginait retenir. Dès l
446 alyse désolée s’imaginait retenir. Dès lors, ce n’ est pas lâcher la proie pour l’ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais
447 efficaces ? Mais on nommera cela de l’hypocrisie. Soit , j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’hypocrisie Non,
448 e chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque être un plus prenant sourire. Cependant que ma joie — un état de grâce, un
449 re, ne pouvait non plus s’imaginer qu’elle en pût être privée. Alors, acquiesçant vivement à l’invite que je soupçonnais la
450 ser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce but peut
451 ainsi que fidèle à soi-même au plus profond de l’ être , on entretient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’assuranc
452 elle de l’individu — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’
453 fonde qu’elle n’a pas besoin de s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je ne veux plus souffrir.
454 ommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’ est peut-être qu’une espèce de souffrance véritablement insupportable, c’
455 certitude… Ô vérité, ma vérité, non pas ce que je suis , mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La véritable desc
456 que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être  !… 1. La véritable description de l’élan supposé dans le premier e
457 ion de l’élan supposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes qu’il m’aurait fait commettre. Manifester est plu
458 gestes qu’il m’aurait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’analyser. 2. D’ailleurs toute la psychologie moderne
37 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
459 vue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de mauvaise méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadons que tout
460 mais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison d’ être . La vie d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à r
461 araître parfois quelque peu impertinente. Le fait est que nous éprouvons irrésistiblement l’obligation d’être nous-mêmes. E
462 ue nous éprouvons irrésistiblement l’obligation d’ être nous-mêmes. Et, disons-le tout de suite, c’est en cela uniquement — ê
463 sons-le tout de suite, c’est en cela uniquement — être nous-mêmes — que consistera notre programme. Sans doute, les différen
464 . Sans doute, les différences s’accusent : mais n’ est -ce pas la meilleure raison pour nos aînés de chercher plus patiemment
465 aurions aller, et qui, nous voulons l’espérer, ne sera pas sans leur donner quelque bénéfice en retour. Certes, nous ne dema
466 ès tant d’autres, avant tant d’autres. « Amis, ce sont les jeunes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’emboîter le
467 s offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détour
468 n a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un… Et, peut-être, la considération du « d
469 juger si nous avons de quoi faire les modestes…   Être nous-mêmes, avons-nous dit, c’est à la fois notre but et notre excuse
470 et notre excuse en publiant cette revue. Nous ne sommes pas « une revue littéraire de plus » ; nous ne voulons pas être « l’e
471 revue littéraire de plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression de la jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Be
472 tre « l’expression de la jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Belles-Lettres est toujours « autre chose ».) Nous ne p
473 mande ». Nous sommes autre chose. (Belles-Lettres est toujours « autre chose ».) Nous ne prétendons pas plus être « bien be
474 urs « autre chose ».) Nous ne prétendons pas plus être « bien bellettriens » — prétention éminemment peu bellettrienne. Que
475  » — prétention éminemment peu bellettrienne. Que sommes -nous donc ? Le plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saurez un pe
38 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
476 reprenne mes paroles, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerr
477 grande race des torrents ». Génie inégal s’il en fut , voici parmi trop de talents intéressants, un écrivain qui s’impose a
478 n lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’une métaphysique aussi préten
479 itable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans rappeler c
480 est une suite de promenades dont la composition n’ est pas sans rappeler celle des Nuits d’octobre de Nerval ; forme qui per
481 de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’ est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plu
39 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
482 col roide, En souffrance mes baisers. L’amour est un alibi Nos lèvres sitôt que jointes, Ô dernier mensonge tu, Je
40 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
483 on d’une race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on ne saurait le taire, — Urbain dormait. L’étoile, je
484 eux et ne vit rien. On rappelle que les étoiles s’ étaient décrochées de leur poste dans l’éternité. « Éternité désaffectée, c’e
41 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
485 er 1927, l’information suivante : Mardi dernier a été célébré en l’église grecque de la rue Georges Bizet le mariage de M.
486 d avec la princesse Hélène-C. Soutzo. Les témoins étaient pour le marié : M. Philippe Berthelot, secrétaire général du ministre
42 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
487 le des Conférences, devant un très bel auditoire, est un des plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un
488 oversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lombard, recteur de l’Unive
489 non d’après un système préconçu. (Cette attitude est plus rare qu’on ne le croit, de nos jours.) M. Esmonin montra avec be
490 loux de ses droits considérables encore ; puis ce sont les conseillers intimes du roi, un jésuite, le père Lachaise, un arch
491 r le ciel, persuadent Louis XIV que la révocation serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui faire pardonner les e
492 ou de force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins catholiques, si les pères sont hypocrites », écrit Madame de
493 enfants seront du moins catholiques, si les pères sont hypocrites », écrit Madame de Maintenon. Mais bientôt l’on voit la Fr
494 l’on voit la France se dépeupler ; des industries sont presque anéanties ; les conséquences funestes de l’acte de révocation
495 arrachées par Louis XIV au pape, les catholiques sont loin d’être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dan
496 ar Louis XIV au pape, les catholiques sont loin d’ être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une lettre
497 une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et les persécutions c
43 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
498 les tourmente. Mais il faudrait d’abord qu’ils se soient délivrés d’eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient possibles. C’e
499 t délivrés d’eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est d’Armande surtout qu’on les attendrait, plus franche
500 ais combien cette analyse trahit Barbey : son art est justement de voiler les intentions du récit et de les exprimer seulem
501 ne image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n’ est qu’à force de discrétion dans les moyens qu’il parvient à une certain
502 Paysages tristes et sans violence, autour de ces êtres dont la détresse est d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous
503 ns violence, autour de ces êtres dont la détresse est d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis
504 ont la détresse est d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis. Une fois fermé le livre de Barbe
505 cendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable, dont la brutalité si longtemps désirée délivre Jacques d’u
44 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
506 L’on aime que, pour certains hommes, écrire ne soit que le recensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’une ins
507 ’une insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comp
508 r est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce journal bientôt les rejoindra dans l’a
509 l’armoire aux souvenirs. Cette façon de ne pas y tenir , qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-être ce qui nou
510 enir, qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-être ce qui nous le rend le plus sympathique. « Officiellement c
511 ait dans Proust, si les passions qu’il nous peint sont ici tant soit peu russes, et là, gidiennes. Il se connaît assez pour
512 t, si les passions qu’il nous peint sont ici tant soit peu russes, et là, gidiennes. Il se connaît assez pour savoir ce qui
513 gidiennes. Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas n
514  ratages » naît le perpétuel besoin d’évasion qui est la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non san
515 nce où souvent l’on finit. Et peut-être l’amour n’ est -il possible qu’entre deux cœurs que l’épreuve du plaisir n’a pas exté
516 à se faire souffrir rejette l’un vers l’autre ces êtres égoïstes, et fonde lentement leur amour, à force de petites blessures
517 nt leur amour, à force de petites blessures. Ce n’ est pas le moins troublant d’une telle vie, cette sagesse un peu sombre q
518 morts du plaisir », car elle sait « qu’entre les êtres , le bonheur est un lien sans durée. Seules la souffrance ou de secrèt
519 », car elle sait « qu’entre les êtres, le bonheur est un lien sans durée. Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont
520 ecrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme dans le récit de cet
521 autaine. Que la composition de cette réminiscence soit assez facile et « artiste » on hésite à en faire reproche à l’auteur.
522 à l’auteur. Cette espèce de modestie de l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps que sévit l’inflation litt
523 oublier que ce livre d’une résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et désinvolte, glacé, passionné. a
45 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
524 i le drame sur vos traits seulement ; l’écho n’en fut que plus douloureux dans mon cœur. Puis je vous ai oubliée. Puis je v
525 tirante ; et je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je dis menace, parce
526 ssis à l’écart. On me demandait, en passant, si j’ étais malade. Je désignais d’un geste incertain quelques bouteilles de cham
527 l’ivresse, mais non certaines douleurs. Même, je fus obligé de confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaie
528 gentillesse d’une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au
529 s d’oriflammes sur l’orchestre pensif. Ton regard est plus grand que le chant des violons. Aube dure ! En ma tête rôde ton
530 , tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je suis revenu dans ces rues où je vous rencontrais parfois, du temps que j’i
531 aqué, souriante… Enfin, un peu après 6 heures, je suis sorti. Il y avait beaucoup de monde dans les rues, sous la pluie. Les
532 maladroits, contradictoires… Un autobus de luxe s’ était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur se pencher ve
533 dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’ était penchée vous ressemblait tant. Mais je n’osais presque pas la regarde
534 edonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être était -ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt de la Place Saint-Michel, ell
535 usieurs heures avant de retrouver ma rue. Il doit être maintenant 5 heures du matin. Premiers appels d’autos dans la ville,
536 aube incolore. Il y a vingt-quatre heures donc, j’ étais encore au bal. Cette constatation machinale ne correspond à rien dans
537 che de tout ce qui me navre au plus intime de mon être … Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, entre deux
538 me navre au plus intime de mon être… Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, entre deux phrases.) Mais vo
46 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
539 Orphée sans charme (février 1927)g « Cet âge est sans pitié. » « Le véritable symbole n’est jamais prévu par l’auteur
540 t âge est sans pitié. » « Le véritable symbole n’ est jamais prévu par l’auteur », écrivait Cocteau dans la préface des Mar
541 ent concerté la possibilité. Orphée, par exemple, serait un poète surréaliste. « Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obte
542  Madame Eurydice Reviendra Des Enfers. » — « Ce n’ est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une f
543 Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce n’ est pas dépourvue de certaines des qualités qui, selon Max Jacob, permett
544 Les anges véritables qui connaissent les signes Sont moins bons acrobates… (etc.)… Cocteau s’est trop exercé avant de se
545 nes Sont moins bons acrobates… (etc.)… Cocteau s’ est trop exercé avant de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’il
546 exercé avant de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’il ne tombera pas. J’admire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités
547 . ⁂ Certes, les qualités scéniques de cette pièce sont grandes. Je ne saurais même indiquer aucun endroit par où elle pèche
548 ai style de théâtre, d’une netteté qui pourtant n’ est pas maigre, d’une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un tr
549  Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur », disait le photographe des Mariés. Dans Orphée, le m
550 fois de plus que l’atmosphère de l’« art pur » n’ est pas respirable. Il ne manque rien à Orphée, sinon peut-être cette ind
551 spensable « part de Dieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imperfection secrète qui fait naître l’a
552 te qui fait naître l’amour. Parce que la création est venue après la théorie. Parce qu’une fois de plus, Cocteau a comprimé
553 les de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète : j’e
554 mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète : j’en verrais une
555 e rose, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète : j’en verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que
47 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
556 pouvons faire quelque chose. Que diable ! nous ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 e
557 iable ! nous ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jér
558 vaient en hurlant : « Bas-toi là, bas-toi là ! »… Est -il plus atroce spectacle que celui d’une maîtresse jadis belle et dis
559 . Naissance de Cinématoma Cinq bellettriens furent commis au soin d’engendrer cet adorable monstre. Ils se réunissent pa
560 tre deux cafés-nature, et presque sans qu’il s’en soit rendu compte. Clerc entrevoit un projet à deux faces. Lugin, qui est
561 lerc entrevoit un projet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé,
562 teur de Gogol à l’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’écran. Pitoëff avait prêté un accent, Mme d’Assilva deux
48 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
563 boutit coïncide avec un mouvement dont lui-même s’ est plu à relever les indices chez ses jeunes contemporains, et qu’il vie
564 d’un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour porter tant de richesses avec cette mélancolique grâ
565 mélancolique grâce. Si quelques-uns de ses bijoux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié
566 ais elle a dû le trouver un peu froid, n’aura pas été tentée de lui faire ces confidences qu’elle livre si facilement au hé
567 rgueilleuse raison à nous tromper sur tout ce qui est profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré ». M. Jalo
568 tient entre ces deux inconscients : l’époque et l’ être secret du héros. Il sait mieux que quiconque aujourd’hui faire éclate
569 nne ne peut juger du drame qui se joue entre deux êtres , personne, pas même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge d’or, un d
570 dans l’une des dernières phrases de Sylvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). Mais le ton reste si léger, spirituel, fan
49 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
571 ou L’éloge du Miracle (mars 1927)i Surprendre est peu de chose, il faut transplanter. Max Jacob. Ce soir-là, le progra
572 décor très pauvre, légèrement coloré. Le principe est simple : « Je vous aime » se traduit par trois ou quatre claques sur
573 Aussi : « Elle mourut. » On voit que cette bande est antérieure à l’époque du long baiser de conclusion. Le film japonais 
574 e, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont embrumés dans mon souvenir par le rayonnement de la robe, fleur qui s
575 clé… Un enterrement bourgeois, mais le corbillard est traîné par un dromadaire, d’ailleurs dételé. Les amis affligés mangen
576 s demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même essence que le nôtre. Le
577 Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même essence que le nôtre. Les gens rient à l’enterrement au ralen
578 ement des têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’ est pas le bon rire de cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent
579 c’est cochon ! » Mais le moment ne vient pas, ils sont déçus. Enfin, mon voisin, un agent, murmure : « On va tous devenir fo
580 ma doit nous « transplanter », un certain naturel est de rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritable miracle auquel no
581 le auquel nous assistons. Mais de pareils défauts sont presque inévitables dans une production de début, et Entr’acte mérite
582 ns une production de début, et Entr’acte mérite d’ être ainsi qualifié : c’est peut-être le premier film où l’on a fait du ci
583 ns, c’est le fait d’un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films
584 cinéma. C’est la photographie d’une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné.
585 e qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’ est pas encore un miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec
586 de découvrir la richesse immédiate. Surréel qui n’ est pas synonyme d’incompréhensible, non Madame, car alors quoi de plus s
587 s quoi de plus surréaliste que le film 1905. Ce n’ est peut-être qu’une question d’imagination ; il reste qu’un film comme E
588 imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une aide puissante. Nous faisons nos premiers pas, étourdis, dans un
589 un pays d’illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous frotter les yeux… Peut-être, quand nos regards plus ass
50 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
590 ge sur les générations nouvelles et leurs maîtres soit lu par tous ceux qui cherchent à s’orienter dans la crise moderne. M.
591 de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les grands traits de notre inquiétude. (Mais peut-être M. Rops a
592 ésumer en deux mots : inquiétude ou foi. Dès lors sont -elles vraiment les deux termes d’un dilemme, l’une n’étant que le che
593 es vraiment les deux termes d’un dilemme, l’une n’ étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi naît de l’inquiétude au
594 l’inquiétude autant que la sérénité… Au reste, n’ est -elle pas de M. Rops lui-même, cette phrase qui formule admirablement
51 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
595 7)j Ah ! je sens qu’une puissance étrangère s’ est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âm
596 s qu’une puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle peut fair
597 ier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé des Enfers — auxquels je crois encore, e
598 . On dit : « C’est incompréhensible ! » — et l’on est enfin rassuré. C’est incompréhensible !, trois mots dont l’un savant
599 malaise, et vous rallumez votre cigare. Vous vous êtes assuré que la porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre de ce cô
600 rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’ être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais déjà
601 7. » Il s’agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une des tentatives de libération les plus violentes
602 elques portes de sortie » ou compromis :   « Nous étions dominés par le sens d’une réalité morale absolue que certains d’entre
603 Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit jamais abaissée une civilisation. Mais nous sommes encore quelques-un
604 soit jamais abaissée une civilisation. Mais nous sommes encore quelques-uns à jouer nos derniers atouts sur notre salut. Nous
605 courons enfin l’Aventure. « Le salut pour nous n’ est nulle part9 ». Ultime affirmation d’une foi que plus rien ne peut dup
606 vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’elle est née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends
607 oublier certaines morales d’extrême moyenne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’on veut nommer
608 rophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’ est pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût un sens, il faudrait
609 attendra : pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport au soleil. Quelques ges
610 les messages égarés de l’infini… Un tel homme, —  est -ce encore Aragon, sinon qui ? — sa grandeur, c’est qu’il lui faut att
611 du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’ être pas qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset, seuleme
612 ment transposé dans notre siècle et chez qui tout est devenu de quelques degrés plus violent, plus acerbe, plus profond. En
613 a grande race des torrents. » Une belle phrase, n’ est -ce pas ? Je ne sais qu’un Montherlant qui pourrait l’oser dire comme
614 Et ce que je prenais pour le ton prophétique, ne serait -ce pas plutôt une sorte de donquichottisme assez fréquent dans les ca
615 ez fréquent dans les cafés littéraires et dont il serait le premier à s’amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêves et la
616 e littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du christianisme dans les âmes profondes ou délicates q
617 nisme dans les âmes profondes ou délicates qui ne sont pas devenues chrétiennes. » « Le salut pour nous n’est nulle part. »
618 as devenues chrétiennes. » « Le salut pour nous n’ est nulle part. » Nulle part, pensais-je : le salut n’est pas là, ou là,
619 nulle part. » Nulle part, pensais-je : le salut n’ est pas là, ou là, à Rome, à Athènes, à Moscou, dans cette doctrine, dans
620 ez basses, nous le savons… Mais pour Aragon, ce n’ est point façon de parler. Son « nulle part » est sans dérobade possible
621 e n’est point façon de parler. Son « nulle part » est sans dérobade possible par sous-entendu. Pas plus « ailleurs » que su
622 Crevel. Pourtant, le plus irrévocable désespoir n’ est encore qu’un appel à la foi la plus haute.   1er mai 1927. Mieux vau
623 iasme trompe moins que le bon sens. Don Quichotte est tout de même moins misérable que Clément Vautel — et si ce nom revien
624 ules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens crit
625 se ici certain sens critique dont on voudrait que soient justiciables les œuvres d’un écrivain, les démarches de sa pensée, se
626 re armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes — de
627 . — Il y a un certain temps déjà que nous ne nous sommes revus. Mais je suis vos travaux avec intérêt, et il m’a paru que depu
628 temps déjà que nous ne nous sommes revus. Mais je suis vos travaux avec intérêt, et il m’a paru que depuis quelque temps… en
629 is quelque temps… enfin, comment dirais-je… je me suis dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelque utilité…
630 suis dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelque utilité… Moi. — Ah ! oui, oui… c’est cela, utilité,… en e
631 jours-ci, beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’ êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-mo
632 , à mon estime la plus vive. Mais décidément nous sommes débordés, voyez vous-même, pas moyen de causer aujourd’hui… Quoi ?… B
633 ire sans vous. Mais n’oubliez pas que « l’artiste serait peu de chose s’il ne spéculait sur l’incertain », c’est un académicie
634 dessus pour la Revue ? Mais plus tard, plus tard. Tenez , voici un traité de métaphysique, vous lirez ça en attendant. Très bi
635 la ne condamne pas et la santé et la raison. Il s’ est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gréco
636 er. Voilà bien leur désinvolture, car enfin, elle est déesse. Mais entre leurs mains qu’est-elle devenue ? C’est bien leur
637 enfin, elle est déesse. Mais entre leurs mains qu’ est -elle devenue ? C’est bien leur faute si elle nous apparaît aujourd’hu
638 c’est vous qui l’aurez voulu, mais tant pis, nous serons du Nord. Nous serons romantiques. Nous serons barbares, désordonnés,
639 z voulu, mais tant pis, nous serons du Nord. Nous serons romantiques. Nous serons barbares, désordonnés, brumeux, absurdes, vi
640 ous serons du Nord. Nous serons romantiques. Nous serons barbares, désordonnés, brumeux, absurdes, vivants, libres. Avec la po
641 Les œuvres les plus significatives de ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait
642 bscurité que l’on fait à la littérature moderne n’ est qu’une manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quel
643 lques centaines (?) d’individus pour qui l’esprit est la seule réalité. C’est pourquoi nous ne pourrons plus séparer du con
644 0 ans, une révolution en fonction du capitalisme. Est -ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer de cette manie française,
645 ce qu’il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y a de plus français ; que c’est elle qui donne au surréalis
646 t, si déplorablement français. Et puisque nous en sommes au surréalisme, ce produit parisien qui, comme tout ce qui est parisi
647 lisme, ce produit parisien qui, comme tout ce qui est parisien, hait Paris mais ne saurait vivre ailleurs… Mais non, il y a
648 trop à dire, et puis l’on croirait encore que je suis avec ceux qui traitent Aragon, Breton et leurs amis alternativement d
649 de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des discussions énervantes où s’épuise vainement une d
650 ce que ces « maudits » ont la grâce, parce qu’ils sont la vie, même quand ils appellent la mort, parce qu’ils ont la passion
651 à la limite de nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande joie. Saint-John Perse. Nous appelions une Révolutio
652 gloire et la sénilité, etc., etc. Et certes ce n’ étaient pas des êtres, mais leurs abstractions que nous haïssions. Notre hain
653 nilité, etc., etc. Et certes ce n’étaient pas des êtres , mais leurs abstractions que nous haïssions. Notre haine de certaine
654 de révolution pour vivre, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme de magnifique perdition dans des choses plus grandes
655 volution — la russe, par exemple — parce que ce n’ est pas encore assez révolution ; parce que cette révolution ne demandait
656 tion ne demandait qu’à s’asseoir et que son siège était fait. Nous aimions la Révolution qui nous perdrait corps et biens dan
657 sille : Nous avons tous fait ça Plus ou moins, n’ est -ce pas ? Et puis l’aiguille divague vers des souvenirs, quand nous a
658 mais voyons des affaires plus sérieuses. Et tout est dit. Ah ! c’est vrai, il allait oublier, il y a encore cette histoire
659 ncore des gens pour qui les limites de l’anarchie sont  : chanter l’Internationale dans les rues, faire la noce, écrire un li
660 ce définitive de notre absurdité. Car l’homme « s’ est fait une vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se de
661 hoix : inconscience de ruminants ou neurasthénie, est -ce que vraiment vous vous êtes tellement amusés avec vos chers princi
662 ts ou neurasthénie, est-ce que vraiment vous vous êtes tellement amusés avec vos chers principes. Révolution, ce n’est plus
663 musés avec vos chers principes. Révolution, ce n’ est plus détruire, ce n’est plus combattre, c’est l’épanouissement violen
664 ncipes. Révolution, ce n’est plus détruire, ce n’ est plus combattre, c’est l’épanouissement violent d’une immense fleur pa
665 lies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amo
666 prodiges à cette invite la plus persuasive : nous sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague de rêves (dans Commerce). 8.
667 e rêve, c’est la tyrannie des souvenirs ; et ce n’ est pas se libérer que de brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul
668 doxal. 11. Les livres les plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches. Très loin de
52 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
669 rrait, École suivait une femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’une sai
670 ’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où détress
671 u’on ne manque pas le train bleu d’un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qui se passaient de l’
672 mitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’ est trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui
673 out ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’ est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherc
674 ain et l’abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous une tab
675 revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous une table, complètement ivre, et Bet
676 le : « Mon chéri, si j’aime la comtesse ? Mais tu es si laid que cela me donne encore plus de plaisir. » Le duc paya et s’
677 sir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’ était pas lui. L’enterrement aura lieu sans suite. Suicide du Marquis
678 dans l’amitié pensive des jardins. Une fenêtre s’ était ouverte et des accords échappés tombaient, les ailes coupées. Puis le
679 ade en bateau À Grego More. Il disait : « Je suis né pour la mort. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur de l’a
680 spire déjà l’odeur merveilleuse des objets et des êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucement vers le soleil du
681 tement, voici que tout va s’ouvrir, qu’un monde s’ est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins somptueuse. Et bien sûr,
682 , qu’un monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’ est pas moins somptueuse. Et bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est une quest
683 s bougé. C’est une question d’amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un lâche. Parce que je revi
684 qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aus
53 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
685 va-t-elle redevenir le centre artistique qu’elle fut au siècle passé ? Allons-nous assister à un regroupement de ses force
686 groupement de ses forces créatrices ? La question est peut-être prématurée. Mais le seul fait qu’elle se pose me paraît ind
687 jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà de discerner parmi eux certaines tendances générales, n
688 ’ignorent rien des courants les plus modernes, et sont bien situés pour n’en prendre que le meilleur ; mais l’émulation, l’a
689 s d’avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés comme vertus cardinales, et qui forme ailleurs le premier publ
690 face de ce qu’on nomme le gros public. L’épreuve est pénible, énervante, souvent fatale aux novateurs. Alors ils s’en vont
691 ur en effet l’on apprend que tel tableau de jeune est « coté » chez un gros marchand. Aussitôt, les feuilles locales retent
692 as qu’il en faille gémir. Une certaine résistance est nécessaire pour que la force se développe. N’était certain petit plai
693 est nécessaire pour que la force se développe. N’ était certain petit plaisir d’impertinence, je me fusse dispensé de redire
694 était certain petit plaisir d’impertinence, je me fusse dispensé de redire ces lieux communs, auxquels pourtant nos circonsta
695 i les peintres dont nous allons parler méritent d’ être appelés jeunes, c’est par leurs œuvres avant tout. D’autre part je pr
696 me la peinture à la photographie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer de contagion contre lequel je ne saurais me prém
697 encore du flou, des courbes complaisantes. Meili est devenu plus net, plus cruel aussi. À Marin, près Neuchâtel, dans cett
698 en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’ est livré pendant quelques années à des recherches un peu théoriques et a
699 t personnages semblent d’une matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement. Il manque à ces recompositi
700 gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’un art très volont
701 vent au Neuchâtelois. S’il casse des vitres, ce n’ est pas seulement pour le plaisir, mais plutôt par amour du courant d’air
702 érange toujours quelques frileux, mais les autres sont soulagés. Et ne fût-ce qu’en prenant une initiative comme celle de Ne
703 ues frileux, mais les autres sont soulagés. Et ne fût -ce qu’en prenant une initiative comme celle de Neuchâtel 1927 7 il au
704 d’autres rapprochements moins paradoxaux. Donzé n’ est pas de ceux pour qui la peinture consiste à habiller une idée. Voyez
705 r à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa première et Neuchâtel la troisième… Il y a par Eugène Bouvier quel
706 satisfaisant. Ce lyrique, ce mystique exige pour être compris une complicité de sentiments ou d’état d’âme. Je ne verrais g
707 aînés, dont on le puisse rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant tou
708 me, légères précipitations » annonce le bulletin. Tiens , me dis-je, Bouvier va peindre. Comme peintre religieux, il se cherch
709 une plus grande certitude intérieure. Les visages sont plus calmes, les couleurs s’avivent, le soleil est sur le point de re
710 nt plus calmes, les couleurs s’avivent, le soleil est sur le point de reparaître… Charles Humbert ou comment on passe en c
711 t on passe en cinq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d
712 . Il peignait des natures mortes qui décidément l’ étaient , à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’une bizarre fantais
713 sait trop lâche. Mais aujourd’hui la mue semble s’ être opérée. Humbert est rendu à lui-même. Il atteint son équilibre et sa
714 aujourd’hui la mue semble s’être opérée. Humbert est rendu à lui-même. Il atteint son équilibre et sa maîtrise avec une to
715 e avec une toile comme le Potier. Si la couleur n’ est pas encore aussi plantureuse que les formes, il y a une belle richess
716 qui fait encore plus « Renaissance » : le costume est drapé avec un soin minutieux, mais une grande mèche insolente retombe
717 mèche insolente retombe devant le visage. Aurèle tient un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’il le lise, mais il aime
718 le visage. Aurèle tient un livre ouvert, et ce n’ est pas je pense qu’il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’il do
719 a reliure qu’il doit avoir faite lui-même. Car il est artisan, dans le beau sens ancien du terme, tout comme son frère Char
720 ise aux dieux que les visages qui s’y reflèteront soient aussi beaux que ceux qu’il peint ou modèle, le soir, à la lampe, en c
721 enforce l’expression. Décidément ces trois frères sont une école. Délaissant un moment ce trésor du meilleur réalisme, que n
722 urions trouver guide plus pittoresque. Celui-ci s’ était égaré en avant, très en avant, sans s’en apercevoir, peut-être. Il su
723 c’est un Renoir… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mouvement per
724 e. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe de quel occulte prodige ? Intrigué, vous reprenez ce que vou
725 e ? Intrigué, vous reprenez ce que vous pensiez n’ être qu’une épure : c’est intitulé « nature morte ». Pourquoi pas naissanc
726 nouvelles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges à chimères. C’est ainsi qu’on fait une découverte. Attenti
727 machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier ou artiste pour changer en instruments métaphysiques ces bonn
728 res, rappelons le souvenir de Charles Harder, qui est mort jeune, sans avoir pu donner toute sa mesure. Il a laissé surtout
729 rincipes cubistes dans un art dont la genèse même est cubiste en quelque sorte, supposant une décomposition primitive en pl
730 ement féminine, une élégance aiguë. Notre revue n’ est certes pas complète. Mais elle a du moins l’avantage de grouper des a
731 r un mouvement actif déjà, et dont Neuchâtel 1927 sera la première manifestation collective. Est-il possible, au sein de ce
732 1927 sera la première manifestation collective. Est -il possible, au sein de ce mouvement, d’en distinguer d’autres plus o
733 t-être à la formation d’un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des œuvres aussi différentes par le
734 tier, un goût pour la construction rigoureuse qui sont des éléments peut-être insuffisants pour caractériser une école, mais
735 de classicisme moderne dont les frères Barraud ne seraient pas très éloignés par d’autres côtés. Un avenir peut-être proche dira
736 e réalité artistique. Pour aujourd’hui, notre but serait suffisamment atteint si nous n’avions fait qu’affirmer l’existence et
737 une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’ est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’une maigre végétation
54 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
738 rofond. Une famille juive dans le Marais. Le père est un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ambition que pour
739 montant son dégoût, le père ajoute : « Notre sang sera vainqueur… Qu’ils m’oublient, qu’ils me méprisent ! Je les vois régne
740 ourne, méprisant : « Mais oui, je ne nie rien, je suis sans scrupules, on connaît mon orgueil : osez donc me condamner d’êtr
741 on connaît mon orgueil : osez donc me condamner d’ être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin que
55 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
742 ort difficile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous coul
743 pour s’en délivrer peut-être. Cette sincérité ne serait -elle à son tour que le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond
744 ilieu bourgeois, et l’on voit bien que l’auteur n’ est pas encore détaché de la matière pour en tirer une œuvre d’art. La si
56 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
745 me certaines herbes. Capitale de la douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette ville, Éluard est le plus
746 es syllabes sereines, et dans cette ville, Éluard est le plus séduisant, le plus dangereusement gracieux des noctambules. R
747 il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’auteur. Beaucoup d’oiseaux volètent, se balancent au bord des verre
748 ne femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué
57 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
749 pensée d’apologie, ou même simplement un besoin d’ être aimés qui faussaient leurs voix pour les rendre plus touchantes. Celu
750 t infect et adonné à mal » (Calvin). Le tableau n’ est pas beau, mais on y sent une « patte » qui révèle encore dans le fond
751 s des morceaux très divers qui composent ce livre sont bien mauvais, à côté d’autres magnifiquement jetés. Mais cette imperf
752 ui la rend sympathique. Et puis, tout de même, on est bien heureux de rencontrer chez les jeunes écrivains français un homm
753 s maîtres comme Keyserling, Ferrero, commencent à être prises au sérieux en France par quelques jeunes gens. Il faut louer D
754 eu d’avoir échappé au surréalisme en tant qu’il n’ est que le triomphe de la littérature sur la vie, mais d’avoir su en gard
58 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
755 cérémonie : « La jeunesse, Monsieur…, la jeunesse est l’âge où l’on atteint la vie. On s’y maintient cinq ans, dix ans au p
756 logé, nourri, blanchi, mais non point diverti. J’ étais bon, Monsieur, normalement bon. L’idée, par exemple, d’étrangler un c
757 isir me répugnait. Je détestais de peiner quelque être , même ennemi, — car celui-là je le méprisais trop sincèrement. » Vers
758 aïque à la fois et bêtement heureux. Le lendemain était le premier jour du printemps. Les rues riaient. Le ciel descendait da
759 Je sortis avec cette femme, qui m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison.
760 lle déchirante nostalgie. Pour lui, sans doute, j’ étais perdu. Mais il souffrait d’autre chose encore : il se savait vieux, m
761 urus dans ma chambre. Une demi-heure plus tard, j’ étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je
762 s dans une direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’articles
763 res : c’était l’annonce du décès de mon père. » J’ étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une brise passa, et une f
764 t pour augmenter ma volupté. Bientôt je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’où sortaient
765 elui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se fut endormie, je me rhabillai. Je ne trouvai que 100 francs dans son sac
766 quel rapide de l’Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au m
767 au moment de m’endormir, que ma passion du vol n’ était qu’une longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie
768 penseront jamais cette escroquerie morale dont je fus la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais i
769 quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsieur, pour critiquer les modalités de ma vengeance. Ve
770 . Veuillez ne voir dans la confusion où je parais être engagé, du plan moral avec l’économique, qu’une expression nouvelle,
771 avorable, croyez-le bien… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus généralement répandus,
772 rai, cher Monsieur, que l’analyse psychologique n’ est pas mon fort. Je me contente de quelques observations théoriques que
773 ntente de quelques observations théoriques que je tiens pour vraies, et j’en vérifie les manifestations vivantes avec une pro
774 il, lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est de mauvaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie.
775 c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît comme un divertisseme
776 sement perpétuel et dénué d’inquiétude. Et cela n’ est pas sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin, si je suis ici à vous éc
777 as sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin, si je suis ici à vous écouter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’appel
778 ici à vous écouter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle
779 it de quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » —
780 mots, vous ne me trouvez pas sérieux. Le reproche est grave. Je ne saurais y répondre. Je pourrais vous dire que si vous me
781 dire que si vous me trouvez un peu potache, il n’ est pas prouvé par là que le potache n’ait point raison. Mais justement j
782 agréablement paradoxal. Seulement, pour quiconque est aussi profondément persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre
783 les idées émises dans la Revue de Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’elles n’engagent pas sa responsabilité. (
59 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
784 atique, le mépris enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’un livre récent sur
785 s qui sont à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux rom
786 est tiré d’un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est -ce vraiment aux romantiques de 1830 que ces reproches s’adressent, ou
787 lante des pommes de terre, jeune homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne de 200 mètres, ce qui représente quatre kilom
788 nte quatre kilomètres de plantation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de leur crise, les valeurs auron
789 ntation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de leur crise, les valeurs auront retrouvé leur stabilité, et
790 tion russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez  ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison utilitaire au service des
791 ste à nos yeux sacro-sainte : la liberté. Alors n’ est -ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z., de ce conseil que vous avou
792 . Z., de ce conseil que vous avouez modestement n’ être pas inédit. Mais point n’est besoin de rappeler Candide : nous penson
793 vouez modestement n’être pas inédit. Mais point n’ est besoin de rappeler Candide : nous pensons que bien avant Voltaire il
794 er cette méthode à leurs petits. Le « satisfait » est un être inadmissible aujourd’hui. À plus forte raison, le satisfait a
795 e méthode à leurs petits. Le « satisfait » est un être inadmissible aujourd’hui. À plus forte raison, le satisfait artificie
60 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
796 ger, vous lui dites que, « d’abord », son livre n’ est pas sérieux. Il sourit. Vous ajoutez que le lyrisme des noms géograph
797 semble aujourd’hui que ce globe dans son voyage «  est arrivé à un endroit de l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnais
798 du bonheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard est un peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus
799 visage s’assombrit un peu. « Tous nos ennuis nous seraient épargnés si nous ne regardions que les jambes des femmes », dit-il, p
800 oir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’ est pas impunément concitoyen de cet oncle Abraham qui interdit à Paterne
801 es cafés. Et puis, c’est égal, ce soir, tout cela est sans importance, car voici « l’heure des petits arbres pourpres, l’he
61 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
802 uelque part. Voyez ma franchise. Un peu grosse, n’ est -ce pas ? D’autres prennent soin que leurs sincérités gardent au moins
803 omptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous suis . Vous y entrez plein de mépris pour Paul Morand par qui découvrîtes l
804 de Cambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard1
805 , plumes dans le vent, poète au bar, le paradis n’ est pas si cher. Il y en a aussi qui posent pour le diable et ne se baign
806 p qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir d’ être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pudeur,
807 tre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraient -ce les guillemets qui vous choquent ?   La vie ! — proclamiez-vous… S
808 qui vous choquent ?   La vie ! — proclamiez-vous… Soit . Mais maintenant je vais me fâcher chaque fois que vous direz : « ext
809 qui ne pouvez pas même admettre que la simplicité est simple simplement. La bouche brûlée d’alcools, vous découvrez à l’eau
810 ls, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’eau est incolore, inodore et sans saveur. Mais fraîche. Ainsi, jusque dans vo
811 compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Mais ce refus n’est pas s
812 angereuse tant que vous voudrez). Mais ce refus n’ est pas seulement comme vous pensez, d’une ingratitude salutaire, c’est r
813 sse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens . Je sais où vous êtes. Vous n’allez pas me surprendre par-derrière. U
814 ermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes . Vous n’allez pas me surprendre par-derrière. Une fois — et ce n’est
815 as me surprendre par-derrière. Une fois — et ce n’ est pas que je m’en vante, — j’ai tué un amour naissant, à force de le cr
816 illit, s’entrechoque, s’annule. Poussière. Ma vie est ailleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce c
817 vie est ailleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui son
818 de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisanc
819 s de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de la littérature On reconnaît
820 lui parle littérature. Mais il y a des mépris qui sont de sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’Église et les cu
821 chose que la littérature. Que la littérature nous est un moyen seulement d’atteindre et de préparer d’autres choses, d’autr
822 es, d’autres actions, ou des états intérieurs qui sont parfois des actions en puissance15. Il faudrait des choses plus lourd
823 e que rien de ce qui nous importe véritablement n’ est dicible. (Depuis le temps qu’on sait que la lettre tue ce qu’elle pré
824 e.) Vous me direz que la poésie, l’état poétique, est notre seul moyen de connaissance concrète du monde. Mais c’est à cond
825 écrive pas, même en pensée. La poésie pure écrite est inconcevable : cela consisterait dans l’expression directe de la réal
826 pression directe de la réalité individuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’il deviendrait inutile de la publier. Et
827 passant à la limite, on peut imaginer que si elle était réalisée, on ne s’en apercevrait pas. Je pressens encore dans vos poè
828 dent même la problématique utilité de liaison qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a
829 du point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfait dans certains
830 conscience tue la connaissance. (« Connaissance » étant pris avec son sens le plus profond, qui est proche du sens biblique.
831 e » étant pris avec son sens le plus profond, qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas de la connaissance abstrait
832 ture : un vice ? Peut-être. Ou une maladie ? Ce n’ est pas en l’ignorant par attitude que vous la guérirez. Au contraire, il
833 ontre, c’est d’un ridicule écrasant : mais rien n’ est plus facile que d’y échapper. III Sur l’utilité de la littérature
834 tilité de la littérature Montherlant me paraît être le moins « littératuré » des écrivains d’aujourd’hui. Quand il parle
835 s. » Chercher des hommes ! Ah ! cher ami, nous ne sommes pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous s
836 ommes ! Ah ! cher ami, nous ne sommes pas tant, n’ est -ce pas, à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle
837 là, la littérature mériterait d’exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes certitude
838 -même ; que la mienne m’aide à découvrir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini
839 us grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera temps de songer sérieusement à m’en guérir. Vous me demanderez « alor
840 manderez « alors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philippe Soupault, que «
841 angent leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Mora
842 seront des romans « bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus
843 rs amours sont des pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à les écrire ». o. « La part du feu.
62 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
844 , rédigés par Drieu la Rochelle et Emmanuel Berl, sont — avec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue frança
845 émocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme.
63 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
846 — en ceci au moins. Nous nous retirons : et ce n’ est pas que nous ayons brûlé toutes nos cartouches. Ni que l’indignation
847 ns de nos articles nous épouvante. Notre retraite est toute « statutaire » — si l’on ose dire. Elle nous permet donc de con
848 fois traités de fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « s
849 re). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir. On s’ est beaucoup étonné de nous voir « si différents » de nos aînés. Nous avo
850 homme qui recherche activement la Sagesse (« Ça n’ est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités 
851 cuper de prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue d’avance et stérilisée par la loi, les mœur
852 es conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue d’avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude. No
853 olution Tous les malentendus viennent de là. Nous sommes assez sages et assez fous pour ne pas en gémir et pour en accepter le
854 mitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’ est compris. Que pouvions-nous espérer d’autre ? Il y eut quelques découv
855 e. Que nous apportera le Central de Genève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’anarchie, l’ironie,
856 à cette lourde charge le poids de nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! comme nous y tenons ! q. « Adie
857 ds de nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons , ah ! comme nous y tenons ! q. « Adieu au lecteur », Revue de Belle
858 bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! comme nous y tenons  ! q. « Adieu au lecteur », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâ
64 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
859 ont guère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, des évocations intérieures, — et dans l’aban
860 nseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être … Un homme médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu
861 eux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent troubl
862 vissantes amours d’adolescents. Et c’est Un vieil été . Cette nouvelle, très supérieure aux deux autres, est une réussite ra
863 Cette nouvelle, très supérieure aux deux autres, est une réussite rare par la justesse de l’observation autant que par la
864 avi de tant d’adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences av
65 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
865 et essais, dont certains — le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux que personne d
866 hèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie que le vrai, je veux dire, plus rilkienne que ne
867 que le vrai, je veux dire, plus rilkienne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme une de ces âmes mystiques et raffinées
868 ilke, je compris que cet univers dont je rêvais n’ était pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérienc
869 Mais une telle « expérience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu
870 ience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ils possèdent déjà, au
871 e peut être sensible qu’à des êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ils possèdent déjà, au moins obscurément,
872 zetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actualité : la solitude, la maladie, la peur. ao. « Edmond Ja
66 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
873 . Bien sûr, c’est cela, le malaise d’écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrassé du tout pour v
874 et si facultative », je me dis qu’il n’en saurait être autrement tant qu’on se tient à cette attitude scientifique, vis-à-vi
875 s qu’il n’en saurait être autrement tant qu’on se tient à cette attitude scientifique, vis-à-vis du phénomène littéraire. La
876 ène littéraire. La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaine
877 nspiration. D’autre part la simplicité de l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, — encore que Bopp
878 — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était de taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de
879 il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages. Beaucoup sont excellentes et leur facilité même est une réussite. Léon Bopp, c’est
880 . Beaucoup sont excellentes et leur facilité même est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’un tempérament avec l’espr
881 une secrète complaisance à se regarder vivre qui est bien d’aujourd’hui — entre autres. ap. « Léon Bopp : Interférences
67 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
882 ion. Comme d’habitude, un peu après six heures. J’ étais seul. Le café est un lieu anonyme bien plus propice au rêve que ma ch
883 e, un peu après six heures. J’étais seul. Le café est un lieu anonyme bien plus propice au rêve que ma chambre où m’attende
884 : les faits-divers, rien de moins divers. Mais je suis pris dans l’absurde réseau des lignes, et cette mécanique me restitue
885 ambour livra un homme élégant et tragique, qui se tint un moment immobile, cherchant une table, puis s’avança lentement vers
886 rer comme une sorte de « personnage aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues de sa vie, brillantes ou misérables, pas
887 que tu n’as pas beaucoup d’imagination, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situations com
888 nt gagner à mes dépens, témoin ce brave homme qui est en train de me soutirer les quelque billets de mille dont je venais d
889 a musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était assise à notre table, en robe rouge, et très fardée. Elle jouait avec
890 anger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’ étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café d
891 elquefois je songe à ses paroles — ou peut-être n’ étaient -ce que celles de mes folies ? Je me répète : paradoxes, mais cela ne
892 it plus à m’en délivrer. Ma vie m’a repris, je ne suis pas heureux. Je sais très bien que je devrais tenter quelque chose. J
893 très bien que je devrais tenter quelque chose. Je suis plein de rêves, certains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi, et
894 se et me regarde avec inquiétude, parce que je ne suis plus tout à fait le même. Puis elle me laisse, parce que le lait va m
68 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
895 e ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’ est pas si fréquente dans la production actuelle. On retrouve aux premier
896 re et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’elle sub
897 iatisé, vaguement prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté
898 sez peu intéressante à vrai dire, parce qu’elle n’ est pas à l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la techniqu
899 récède. Ces défaillances de la technique du roman sont sauvées par un style brillant, plein de trouvailles spirituelles, mal
900 spirituelles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’ est pas qu’il ne s’y glisse quelque préciosité ou quelques « pointes » fa
69 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
901 (février 1928)a On a trop dit que notre époque est chaotique. Je crois bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu
902 avènement de cette organisation toute-puissante n’ est plus qu’une question de quelques années. Mais peut-être est-il temps
903 u’une question de quelques années. Mais peut-être est -il temps encore. Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’
904 oursuit depuis près de deux siècles, l’Occidental est saisi d’un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait
905 infaillible progrès aurait-il fait fausse route ? Est -il temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il
906 certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensible. L’homme moderne recule devant l’évidence de la banq
907 moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’ est approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste
908 immense de ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a senti en lui son incarnation la plus parfaite.
909 u jour présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse
910 nne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse sont  : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion,
911 automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il est simple mécanicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société des auto
912 ds qu’il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’ est pour lui qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie
913 aire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est
914 sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire :
915 Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la poss
916 ibilité d’augmenter encore cette production. Ford est le plus puissant industriel du monde ; le plus riche, au point qu’il
917 toujours plus. Ford leur montre le chemin qu’ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y eng
918 ls seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu
919 veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il sem
920 toute sa carrière — pensée, méthode, technique — soit conditionnée jusque dans le détail par une idée fixe primitive. Consi
921 ar la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les plus r
922 prix, on ne trouve toujours des clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du clie
923 l que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un peu les causes réelles
924 les de cet abaissement de prix — la concurrence n’ étant bien entendu qu’une cause accessoire. Dire que l’état du marché est t
925 u’une cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’achète plus, cela signifie parfois que la marchan
926 te plus, cela signifie parfois que la marchandise est momentanément trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a de tel
927 ; mais surtout que le besoin qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industriel n’ait plus q
928 montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non pas le plaisir ou l’intérêt véritab
929 aisse les prix. Le client fait la comparaison. Il est impressionné par la baisse, au point qu’il en oublie que cela ne l’in
930 e, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse. L’industriel comptait. La tromperie est prémédi
931 ar la baisse. L’industriel comptait. La tromperie est préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’est pas que l’industriel ai
932 rie est préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’ est pas que l’industriel ait forcé (psychologiquement) le client à faire
933 lient à faire une dépense superflue ; le scandale est qu’il l’ait trompé sur ses véritables besoins. Car cela va bien plus
934 servation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de la réclame a même bu
935 lame a même but, mêmes effets. Mais le plus grave est peut-être le sophisme du loisir. M. Guglielmo Ferrero a fort bien mon
936 dre dans son engrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produits Ford qu’il faut
937 ngrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produits Ford qu’il faut user, etc. Il
938 aine a des limites. Et le temps approche où elles seront atteintes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford est conscient
939 ntes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je
940 er sur les sujets les plus divers. Les aphorismes sont assez révélateurs de la mentalité capitaliste américaine. Voici, par
941 déale réduite au rôle d’huile dans les rouages, n’ est -ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simpli
942 n fabrique, on transporte. » « Toute notre gloire est dans nos œuvres, dans le prix que nous payons à la terre la satisfact
943 in de son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop dans ce que nous fa
944 production matérielle et vers la richesse qui en est le fruit. On ne saurait mieux dire. Mais il faudrait en tirer des co
945 e. D’ailleurs, les idées générales de cette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes t
946 à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le technicien parfait qui combat les techniciens imparf
947 orte à coup sûr l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie de celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus g
948 philosophie la plus rudimentaire. Le phénomène n’ est pas nouveau en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce no
949 phénomène n’est pas nouveau en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce notre pensée qui, à force de subtiliser
950 u en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est -ce notre pensée qui, à force de subtiliser, est devenue trop faible p
951 . Est-ce notre pensée qui, à force de subtiliser, est devenue trop faible pour nous conduire ? Ou bien est-ce notre action
952 devenue trop faible pour nous conduire ? Ou bien est -ce notre action qui est devenue trop effrénée, trop folle, pour être
953 r nous conduire ? Ou bien est-ce notre action qui est devenue trop effrénée, trop folle, pour être justiciable encore de no
954 n qui est devenue trop effrénée, trop folle, pour être justiciable encore de nos vérités essentielles ? Il semble bien que n
955 s chances. J’accorderai que le progrès matériel n’ est pas mauvais en soi. Mais par l’importance qu’il a prise dans notre vi
956 es humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n’ est gratuit. Nous payons notre passion de posséder la matière du prix de
957 en quel mépris l’homme d’affaires à l’américaine tient les choses de l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, « il se passer
958 e cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’ est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autres œ
959 ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autres œuvres destinées à ch
960 er mutuellement leur culture », dit Ford. Et tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel, de nos jours, on tranche les
961 jours, on tranche les grandes questions humaines est une des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette
962 l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être  » ou ne pas en être Une fois qu’on a compris à quel point le fordi
963 resse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a compris à quel point le fordisme et l’Esprit sont
964 on a compris à quel point le fordisme et l’Esprit sont incompatibles, le monde moderne impose ce dilemme : « en être » ou ne
965 tibles, le monde moderne impose ce dilemme : « en être  » ou ne pas en être, c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’ab
966 erne impose ce dilemme : « en être » ou ne pas en être , c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’abrutir spirituellemen
967 re. Cela s’appelle encore vivre. Mais l’homme qui était un membre vivant dans le corps de la Nature, lié par les liens les pl
968 table valeur. Il sent obscurément que son travail est antinaturel. Il le méprise ou le subit, mais, jusque dans son repos,
969 e ou le subit, mais, jusque dans son repos, il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est
970 usque dans son repos, il en est l’esclave. Pour s’ être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus sai
971 s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les choses
972 jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne s
973 Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort de l’acquérir
974 epter l’esprit, et ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibilité spirituelle deviennent par le seu
975 un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’ est pas un luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de l
976 es anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’ est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exi
977 il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction avec celles que le développement de la technique imp
978 ment de la technique impose au monde moderne. Ces êtres , d’une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose d
979 centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dernière rigueur : avec la rigueur de la néce
980 r : avec la rigueur de la nécessité — puisqu’elle est inutile au grand dessein matérialiste de l’Occident. La logique, parl
981 à vouloir en revenir à la période préindustrielle soit autre chose qu’une échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, i
982 ppatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’ est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soient-il
983 de se désintéresser simplement des buts — si bas soient -ils — d’une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de p
984 jourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution :
985 évélé que les livres les plus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément
986 el. Dans les pays de langue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amér
70 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
987 sayer de se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce que cela vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais
988 d’une révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait
989 — bien qu’on pense généralement le contraire. Il est très vrai que les notions réaliste et idéaliste du monde ne sont sépa
990 que les notions réaliste et idéaliste du monde ne sont séparées que par un léger décalage dans la chronologie de nos sentime
991 ine idée que j’avais d’un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’on do
992 is le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’une fanfare militaire,
993 des parois, noir et blanc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par
994 s forces inconnues et menaçantes. Mais la musique est si légère, la voix de la jeune fille si transparente : la mort même e
995 le rôde ici comme une tristesse amoureuse. Elle n’ est plus que l’approche d’une grandeur où se perdraient nos amours terres
996 e que le pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre… Mon voisin avait parlé tout haut ; personne
997 nne pourtant ne se détournait. Comment pouvais-je être le seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul vous ve
998 -il, que seul vous venez d’atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous me voyez parce que vous compr
999 é ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté la première recon
1000 es de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, comme des amis qui se connaissent depuis si longtem
1001 x petites décisions de la vie quotidienne. Gérard tenait en laisse le fameux homard enrubanné. « Cela vexe les Viennois, me di
1002 me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. » Il y avait peu de monde dans les rues. Des jeunes gens
1003 rd, malgré les apparences, cette vie sentimentale est une des seules réalités qui correspondent encore à l’image classique
1004 acité définitive à se passionner pour quoi que ce soit . Cette ville, qui est toute caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’a
1005 assionner pour quoi que ce soit. Cette ville, qui est toute caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que
1006 manque de caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont, par
1007 d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont , par nature et par attitude, des gens fatigués. — Pour moi, dit Gérar
1008 lus deux, en y réfléchissant bien, mais peut-être était -ce la même sous deux attributs différents. Toutes les femmes qui m’on
1009 s rien, dès qu’on aime… Oh ! cette femme ! elle n’ était qu’un regard, un certain regard, mais j’ai su en retrouver la sensati
1010 ourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut , hélas, non moins inévitable : la jeune femme refusa d’abord les fleu
1011 avec un sourire du type le plus courant : « Vous êtes bien gentils, messieurs ! » Il n’y avait plus qu’à lui prendre chacun
1012 hacun un bras, une femme pour deux hommes — et ce fut bien dans cette anecdote dont Gérard attendait évidemment quelque cho
1013 chose contraire à la coutume viennoise. L’enfant était charmante, comme elles le sont presque toutes dans cette ville, — du
1014 ennoise. L’enfant était charmante, comme elles le sont presque toutes dans cette ville, — du type que Gérard et Théo nommaie
1015 . Du moins, moi. Pour vous, c’est différent, vous êtes moderne, vous vous contentez peut-être de cette pêche miraculeuse — c
1016 que j’ai vécu d’illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir q
1017 plaisir qu’on vient chercher ici avec le premier être venu. — Certes, je comprends que l’Europe est en décadence quand je l
1018 er être venu. — Certes, je comprends que l’Europe est en décadence quand je la regarde s’amuser. Je vois se perdre ce sens
1019 la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que
1020 Ils prennent au hasard des liqueurs qui n’ont pas été préparées pour leur soif. Ils ne savent plus les signes ni les ressem
1021 , ou luisants de concupiscences élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la démocratie des plaisirs achetés au déta
1022 dans une foire éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que celle-là qui danse en ro
1023 comme c’est odieux qu’une créature aussi parfaite soit touchée par les mains outrageusement baguées de ces courtiers alourdi
1024 eligieux de la beauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend plus rien. » Des bugles agonisaient, aux d
1025 einte aux lois du genre le plus conventionnel qui soit . Gérard la regarda avec une certaine pitié : « Chère enfant, dit-il d
1026 oir délivré le homard qui, laissé au vestiaire, y était l’objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part
1027 malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but. Vous savez, je lance mes f
1028 très, très longtemps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nu
1029 r. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire et blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe de cette ph
1030 ous parlèrent, bientôt dissous dans le vent. Tout était reflet, passages, allusions. Plus tard, dans un petit bar laqué de no
1031 ée ; un piano dissimulé joue très doucement. Nous sommes assis autour d’une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, pench
1032 y découvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras de Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglais
1033 utôt, par je ne sais quelle erreur d’images, — ce serait la gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans le lointain, Aurélia lui
1034 minute toutes les incarnations d’un amour dont l’ être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultanéité de ses manifest
1035 le côté terrestre des choses dont l’autre moitié sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié d’ombre. Et parce que tou
1036 lque chose d’éternel. Tous les drames du monde ne sont que décors mouvants dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne son
1037 nts dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne sont que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame de son destin est ail
1038 épisodes, symboles : le vrai drame de son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des généalogies étourdi
1039 de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos savants retombés en pleine barbarie spirituel
1040 t écrire, c’est une Vie simultanée de Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en un lieu, en une vision. » Nous sortîmes. Seul
1041 le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu’il en était ainsi chaque nuit, que l’animal devenait nerveux et que depuis quelqu
1042 ne, la place s’éteignit. Mais Gérard ? Ses yeux s’ étaient fixés intensément, à la sortie des invités, sur une femme qui s’en al
1043 l avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apaisée, je m’aperçus que j’étais seul. Une dernière auto, extraordin
1044 Quand la place se fut apaisée, je m’aperçus que j’ étais seul. Une dernière auto, extraordinairement silencieuse, absolument s
1045 de la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient baissés. Déjà on criait les journaux du matin, des triporteurs passèr
71 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
1046 oir en Jules Verne qu’un précurseur ? Jules Verne est un créateur, dont les inventions se suffisent et suffisent à notre jo
1047 ons se suffisent et suffisent à notre joie. Ce ne sont pas les savants qui sont prophètes, mais les poètes. Or Jules Verne f
1048 sent à notre joie. Ce ne sont pas les savants qui sont prophètes, mais les poètes. Or Jules Verne fut poète avant tout — et
1049 i sont prophètes, mais les poètes. Or Jules Verne fut poète avant tout — et ce livre le fera bien voir aux sceptiques. Il a
1050 iennent de merveilleux calembours, où les savants sont réellement dans la lune, ou bien descendent au fond des mers adorer l
1051 ythes modernes, du seul écrivain dont l’influence soit comparable à celle du cinéma ! Claretie raconte que les détenus des m
1052 N’en ferons-nous pas autant, emprisonnés que nous sommes dans une civilisation qui, selon l’expression de Jules Verne désabusé
1053 e ce libertaire, cela constituait un jugement !) Serons -nous longtemps encore dupes d’une conception de la littérature si péd
1054 de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’ est styliste ni psychologue ? Laisserons-nous Jules Verne aux enfants ? J
1055 s ? J’allais oublier que la littérature enfantine est le dernier bateau. Pour ce coup, voilà qui ne m’empêchera pas d’y mon
1056 monter, il suffit que cet obsédant capitaine Nemo soit à bord, je soupçonne que ce bateau n’est autre que La Liberté. ar.
1057 ne Nemo soit à bord, je soupçonne que ce bateau n’ est autre que La Liberté. ar. « M. Allotte De La Fuye : Jules Verne, sa
72 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
1058 Aragon, Traité du style (août 1928)as Ce n’ est pas le seul talent de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de
1059 séquemment beaucoup de choses vraies (belles). Il est même un des très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné quelqu
1060 des gens qui ne m’intéressent pas ou bien qui ne sont pas atteints par ces épithètes drôles ou quelconques. Mais la seconde
1061 s ou quelconques. Mais la seconde partie du livre est admirable ; il suffit. Le titre ne ment pas ; ce livre traite du styl
1062 te du style, à coups d’exemples qui méritent de l’ être . Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépasse ces surréalistes, ces orthod
1063 s Nymphes ». Mais donner l’air bête à ceux qui le sont en créant une belle œuvre serait, par exemple, plus efficace. Aragon
1064 bête à ceux qui le sont en créant une belle œuvre serait , par exemple, plus efficace. Aragon se retourne sans cesse pour crier
1065 oix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le tient magnifiquement. Mais qu’on nous laisse chercher plus loin, dans ce si
73 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
1066 naturellement vers l’action, c’est-à-dire — nous sommes en France — vers la politique. Or ces ennemis de toute littérature vo
1067 à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pratique universellement méprisées. Mais les surréalistes ont leur
1068 onsabilité là-dedans ; leur défense de l’esprit s’ est bornée jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre un état de ch
1069 participent plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan qui no
1070 e positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’
74 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
1071 emps — argent, races — et ses rares passions, qui sont la domination et la démolition, l’organisation et le sabotage. On y d
1072 pour l’une ou l’autre de ces attitudes. (Elles ne sont pas essentiellement contradictoires : elles représentent deux manière
1073 forme abstraite et poétique. Mais cette fois tout est concrétisé en hommes, en meurtres, en décrets. Qu’il décrive la vie i
1074 art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté de le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, s
1075 parfois tenté de le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et il ne se borne pas à
1076 e récit coloré et précis, admirablement objectif, est aussi, mais à coups de faits, une discussion d’idées. Il est surtout
1077 mais à coups de faits, une discussion d’idées. Il est surtout la description d’une angoisse que le nihilisme de M. Malraux
1078 écue, avant de la décrire ; et cet aveu de Garine est décisif : « La Révolution… tout ce qui n’est pas elle est pire qu’ell
1079 rine est décisif : « La Révolution… tout ce qui n’ est pas elle est pire qu’elle… » Expérience faite, l’absurde retrouve ses
1080 sif : « La Révolution… tout ce qui n’est pas elle est pire qu’elle… » Expérience faite, l’absurde retrouve ses droits. C’es
75 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
1081 s de l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’ est -ce point trop demander à une existence bien indécise, que son échec m
1082 sion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’ est pas forcément prince du rêve ; et par ailleurs ce livre sait bien le
1083 qualité de l’illusion dont se nourrit Louis II n’ est ni aussi pure ni aussi rare qu’on voudrait l’imaginer. Il reste qu’il
1084 Il reste qu’il a voulu la vivre et qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’un romantisme assez morose ; mais à gra
1085 ence d’amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’illusi
1086 res proposeraient de moins jolis mots ; mais ce n’ est pas la moindre habileté du biographe. D’ailleurs, réussir un livre at
1087 réussir un livre attrayant sur une vie manquée n’ était pas un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’une façon fort a
76 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
1088 aines scènes terrifiantes de la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traque à Paris même… Il subjug
1089 de la révolution : il a été condamné à mort, il s’ est évadé, on le traque à Paris même… Il subjugue le jeune Français par c
1090 ique confession qui doit expliquer sa mort et qui est aussi fausse que le reste. Ce mensonge qui va jusqu’à la mort, inclus
1091 connu de semblables mythomanes. Le cas méritait d’ être exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une cou
1092 exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une courte nouvelle, d’ailleurs assez dense, et dont le mérit
1093 uvelle, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’être simple et précise dans l’exposé, sans rien simplifier ni préci
1094 , d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’ être simple et précise dans l’exposé, sans rien simplifier ni préciser à l
1095 tout, peut conduire à préférer un mensonge qui n’ est , hélas, qu’une déformation de cette réalité détestée. Le mythomane br
77 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
1096 Tire-toi de tes ombres… » Paul Valéry. Stéphane est maniaque, comme tous les jeunes gens de sa génération. Seulement chez
1097 s de sa génération. Seulement chez lui, cela ne s’ est pas porté sur les autos. Il préfère s’intéresser aux divers types hum
1098 lui sait peu de grés de sa curiosité. Sans doute est -il trop impatient, demande-t-il aux êtres plus qu’ils ne peuvent donn
1099 ans doute est-il trop impatient, demande-t-il aux êtres plus qu’ils ne peuvent donner… D’ailleurs on ne lui doit rien, n’est-
1100 peuvent donner… D’ailleurs on ne lui doit rien, n’ est -ce pas ? Il en tombe d’accord ; accepte d’attendre comme un enfant sa
1101 s classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’ est pas encore quelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il est. C’est u
1102 ore quelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il est . C’est une autre manie de sa génération. Mais là encore il se singula
1103 as exister. Non : il a remarqué que l’époque peut être définie par l’abondance des autobiographies, mais aussi bien par cell
1104 enre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigué, il veut voir encore cette fatigue dans son regard : app
1105 meil l’en délivre. Au matin il court se voir : il est laid. Lâchement il se prend en pitié. Ces séances lui font du mal, l’
1106 sse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive de prendre son image pour cell
1107 à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude d’ être . Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en diminua
1108 onne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane est en train de se perdre pour avoir voulu se constater. Va-t-il découvri
1109 dans l’homme moderne un besoin de vérifier qui n’ est plus légitime dès l’instant qu’il se traduit par la négation de l’inv
1110 Stéphane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, i
1111 t un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est . Semblablement, il ne sait plus aimer. (Ces jeunes gens ne veulent pa
1112 ne aventure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lecteur dérisoirement troublé par la crainte de n’avoir pa
1113 re miroir, nous perdons une Eurydice. Les miroirs sont peut-être la mort. La mort absolue, celle qui n’est pas une vie nouve
1114 t peut-être la mort. La mort absolue, celle qui n’ est pas une vie nouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’évid
1115 sous un autre visage. Car oublier son visage, ne serait -ce pas devenir un centre de pur esprit ? » C’est un premier filet d’e
1116 ir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt dans une nais
1117 pète à plusieurs reprises : « Je ne sais pas : je suis  !… Je ne sais plus… mais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jou
1118 ne sais pas : je suis !… Je ne sais plus… mais je suis  ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les
1119 sais plus… mais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les
78 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
1120 Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)ax Le critique se sent désarmé et légèremen
1121 ette autobiographie tellement au sérieux que j’ai été bien étonné du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’un homme d
1122 et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à une allure libre
1123 perspectives saisissantes sur l’époque. Anderson est avant tout un poète, un homme qui aime inventer et que cela console d
1124 nent nous rapprendre que les sources de la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait être, avec sa
1125 notre maison. Voici un de ces passages où il sait être , avec sa verve doucement comique, si émouvant : « À cette époque je c
1126 ndardization à sa fin logique, ne pourrait-il pas être considéré un jour comme le grand tueur de son époque ? Rendre impuiss
1127 à la présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spécialité était l’assassinat du corps hu
1128 cte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spécialité était l’assassinat du corps humain, mais qui raconte dans son autobiographi
1129 te dans son autobiographie que son désir constant était que tous les hommes vivant sous lui conservassent la virilité et le r
1130 ui conservassent la virilité et le respect de soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les anciens. Ford p
1131 ax. « Sherwood Anderson : Mon père et moi et Je suis un homme (Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève,
79 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
1132 ervelles et les réputations. 3. Belles-Lettres n’ est compréhensible et légitime que dans la mesure où la poésie est compré
1133 sible et légitime que dans la mesure où la poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis de sang-froid, je dis : Belles
1134 ù la poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis de sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystiq
1135 4. Je suis de sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, j
1136 t essentiellement une mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, je ne puis dire grand-chose de plus. On ne se comprend
1137 qu’entre jeunes hommes ivres. Mais alors point n’ est besoin de formuler cette ivresse ; autrement que par des cris. 5. Ave
1138 s et turpitudes que cela comporte, Belles-Lettres est une liberté. Une rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour
1139 ète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à le leur dire ici : les anciens bellettriens qui ont perdu toute foi
1140 ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont foncièrement mauvais.) 6. Peu de choses dans le monde moderne ont enc
1141 t encore une « essence ». Celle de Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éternel et à Satan pareillement. Et ceux qu’ell
1142 blasphème, selon. Mais ce qui importe d’abord, n’ est -ce point de se livrer, purement et simplement. 7. (Secret). r. « Be
80 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
1143 erment sur le vide   Tu pleurerais Mais la grâce est facile comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie com
1144 urerais Mais la grâce est facile comme un matin d’ été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’u
1145 de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été   qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des mains de mon a
1146 s ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoile de jour I
81 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
1147 té dans une ballade fameuse « Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut se permettre quelques malices, quelques jeux
1148 s jeux d’esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous avec le sourire par la clientèle des librairi
1149 ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’ être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes, en m
1150 e et que cela n’a point stérilisé : sa nature, il est vrai, s’y prêtait, peu complexe et comme réduite à deux dimensions ;
1151 la perspective manque souvent à ces récits : ce n’ est point un paysage d’âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée,
1152 is l’anecdote bien tournée, des noms connus. Tout est sur le même plan ; le dessin d’ailleurs est élégant. Mais comme tout
1153 Tout est sur le même plan ; le dessin d’ailleurs est élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’
1154 Mais comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est -ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots
82 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
1155 à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s’arranger, comme au
1156 comme au dernier acte d’une opérette. Ce peuple s’ est résigné avec une facilité incroyable à la défaite, au marxisme, au ch
1157 iers de notre pays ?… Non, non, jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte de la neige (une boue ocre, épaisse, on envi
1158 ds comme une nuée d’insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et d’ins
1159 ns munichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est le Parlement. Et voici la trouée du Danube, Bude solidement amarrée à
1160 superbement cette ville désordonnée. Derrière, ce sont des rues silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à un ét
1161 votre bonheur et vous voyez bien que Mme Varshany est une grande artiste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’ent
1162 ue Mme Varshany est une grande artiste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’un des archiducs. Car ce peup
83 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
1163 Saisir (juin 1929)ay Ce petit livre de poèmes est comme une initiation au silence. Il faut s’en approcher avec une douc
1164 ate d’un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste im
1165 saisir » dans leur réalité les choses dont elle s’ est dégagée et qu’elle voit dans une autre lumière : « Tout semblait vivr
1166 ’un insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus profond en soi-même ; son art y gagne en densité, e
1167 uce et virile ; et quel beau titre ! « Saisir » n’ est -ce point l’acte essentiel de la poésie ? Toute poésie véritable n’est
1168 essentiel de la poésie ? Toute poésie véritable n’ est -elle pas proprement « saisissante » ? Mais le plus émouvant, c’est ic
84 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
1169 attirer là-dessus l’attention du médecin, mais il est plus difficile de se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’
1170 u’aujourd’hui le hasard qui m’amène à Tubingue ne soit pas seulement un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de la pl
1171 s ce siècle, où tant de voix l’appellent, combien sont dignes de s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qu
1172 don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’ est posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au vi
1173 e Grand Jeu. Dix années où le génie tourmente cet être faible, humilié par le monde. L’amour s’éloigne le premier, quand Höl
1174 t à peine sensible dans son œuvre. Car ce poète n’ est peut-être que le lieu de sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui
1175 oin d’elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte d
1176 sson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce qui fut Hölderlin signe maintenant Scardanelli des quatrains qu’il donne aux
1177 le. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la maison, en attenda
1178 e penchent vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d’une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un r
1179 uts et sombres, qui paraîtraient immenses s’ils n’ étaient à demi encombrés d’armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me c
1180 s. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propriétaire actuel. « Monsieur connaît Hölderlin ? — questionne-t
1181 nt — bon, bon, parce qu’il y en a qui viennent, n’ est -ce pas, ils ne savent pas trop qui c’était… Alors vous devez connaîtr
1182 son banc et ses lilas fleuris qui trempent… Tout est familier, paisible au soleil. Il passait des heures à cette fenêtre,
1183 ongtemps qu’elles ont fui. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plus rien, je n’aime plus vivre. Il y avait
1184 i. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plus rien, je n’aime plus vivre. Il y avait encore plus de paix que
1185 es, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux :
1186 e lieu soudain m’angoisse. Mais le gardien : il y est comme chez lui. — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh ! répond-il, je pour
1187 s les marronniers. À quatre heures, l’orchestre s’ est mis à jouer des ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de m
1188 qui lisent des magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des adolescents balafrés
1189 ie normale. Il y a pourtant cette petite chambre… Est -ce que tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser par
1190 -ce que tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vé
1191 rts, qui se promènent tout seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n
1192 de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’ est revenu qu’un vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes gens ?
1193 éféré faire tout de suite la bête : comme cela on est mieux pour donner le coup de pied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina —
1194 ied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus divine, quand c’est une telle femme qui la con
1195 tons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus divine, quand c’est une telle femme qui la confesse : « Celui qu
1196 siquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde, de
1197 lement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique
1198 s ?… Le tragique de la facilité, c’est qu’elle n’ est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, triomph
1199 ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est -ce qu’ils ne soupçonnent jamais rien ? Ou bien, peut-être, seulement,
1200 e temps même qu’il nous entr’ouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait le monde… Mais que cette musique vulgaire, par quel h
1201 na von Arnim-Brentano : Die Günderode. 12. Où il était précepteur. Madame Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des poèmes
1202 rode. 12. Où il était précepteur. Madame Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des poèmes. n. « La tour de Hölderlin »,
85 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
1203 ges (août 1929)az Après cet austère Pays qui n’ est à personne paru l’année dernière — un livre assez troublant et qu’on
1204 isme, à notre cher romantisme. La Clef des songes est de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger, un
1205 ard, complice des poètes, lui fait rencontrer des êtres bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemin, Han
1206 venirs attristés par le temps, des visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes, des bonheurs qui signifient plus de déses
1207 e que prennent les hommes en liberté. Mais ils ne sont jamais méchants, et seulement aux dernières pages du livre, un peu am
1208 peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extér
1209 e tout souci de vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un de ces miracles
1210 erait qu’invention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que
1211 us avons besoin pour croire que le monde actuel n’ est pas un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre de Jean Cassou, et
86 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
1212 d l’auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notr
1213 yance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour fai
1214 bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût -ce que pour faite honte à ceux qui sont encore capables d’une telle h
1215 temps, ne fût-ce que pour faite honte à ceux qui sont encore capables d’une telle honte, de leur indifférence à l’endroit d
1216 elle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’ être le plus monstrueusement pur qui se soit révélé par le truchement de l
1217 roit de l’être le plus monstrueusement pur qui se soit révélé par le truchement de la poésie française. — Livre un peu didac
1218 rgisse pas plus une question aussi centrale — qui est , si l’on veut, la question d’Orient-Occident. Et pourquoi cette hosti
1219 ée par Claudel et Isabelle Rimbaud ? Si Claudel s’ est montré partial en faisant de Rimbaud, « mystique à l’état sauvage »,
1220 ’état sauvage », un catholique qui s’ignore, il n’ est pas plus admissible d’inférer du mépris de Rimbaud pour le catholicis
1221 e, Genève, août 1929, p. 250-251. bb. Le féminin est ici conservé, conformément au texte original.
87 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
1222 da, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)bc Ce n’ est plus l’heure de venir prendre position dans un débat où les voix les
1223 ntéressé de Julien Benda, et l’obligation où nous sommes tous désormais de répondre pour nous-mêmes à sa mise en demeure. Je s
1224 répondre pour nous-mêmes à sa mise en demeure. Je suis loin de partager toutes les idées de M. Benda, sur le plan philosophi
1225 « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand cela serait  ! dirons-nous, — avec le Benda qui ne trahit pas.) D’autre part, de p
1226 l’éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exactement aussi vieux que le monde. Mais M. Benda disti
1227 x que le monde. Mais M. Benda distinguera, et ils seront confondus. Car il y a un sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue
1228 ue de la raison ratiocinante tout comme si elle n’ était pas le contraire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’ente
1229 de la difficulté elle-même. Mais pour gênante que soit souvent son adresse de logicien, elle ne doit pas nous masquer l’auda
1230 impossible. Mais justement, la gloire de M. Benda sera d’avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui demande l’impossibl
1231 agon. Et Daudet nous apprend que « le petit Benda est un fameux serin ». Mais ces affirmations sont exactement celles qu’il
1232 enda est un fameux serin ». Mais ces affirmations sont exactement celles qu’il fallait attendre de ces auteurs. Ce qu’on ne
1233 même qui paraît anarchique dans un monde où tout est bon à quelque chose, où rien plus n’est tenu pour vrai que relativeme
1234 e où tout est bon à quelque chose, où rien plus n’ est tenu pour vrai que relativement à un rendement. Rien, pas même la rel
1235 tout est bon à quelque chose, où rien plus n’est tenu pour vrai que relativement à un rendement. Rien, pas même la religion
88 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
1236 ailes qui donnent des rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux meilleurs esprits ? Voici que tu t’apprêtes visibleme
1237 On le félicita de son retour à l’état normal, qui est pédestre. Mais à partir de ce jour, on lui fit sentir qu’il était dev
1238 Mais à partir de ce jour, on lui fit sentir qu’il était devenu beaucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a des ailes sera persé
1239 aucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a des ailes sera persécuté à cause de ses ailes, mais celui qui n’en a pas sera mépris
1240 é à cause de ses ailes, mais celui qui n’en a pas sera méprisé parce qu’il n’en a pas. Le libéralisme Seigneur ! clama
1241 me Seigneur ! clamaient-ils, combien complexes sont les problèmes que vous proposez à notre bonne volonté gémissante ! Di
1242 porteur d’une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements de rag
1243 claration d’amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’est. J’ai fait suivre. Alexandrine un jour
1244 s vous trouveront réunis. Avec ma bénédiction, je suis votre amie Joséphine. » — Le poète reprit son manuscrit et conclut :
1245 reprit son manuscrit et conclut : « L’inspiration est le nom qu’on donne en poésie à une suite de malentendus heureusement
89 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Avant-propos
1246 , décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moins ph
1247 qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moins philosophique et point du tout technique. J’ap
1248 us un régime radical à sécrétion socialiste qui a été établi par coup de force, que les libéraux ont admis, conformément à
1249 areils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, parce que j’en ai gros sur le cœur. D’ailleurs, ce petit éc
1250 ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Défi
1251 nds pas même parler au nom de ma génération, ne m’ étant pas livré à l’enquête préalable qui seule eût pu, à la rigueur, me do
1252 Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’être complices d
1253 s nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’ être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait l’es
1254 plices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’ est en fait l’esprit démocratique. Là-dessus, ces messieurs se lamentent,
1255 mour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’ est pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde auss
1256 e l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’ est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitup
1257 . Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie, même si l’on n’est pa
1258 érer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie, même si l’on n’est pas capable d’en faire soi-
1259 a soupe est brûlée, on la renvoie, même si l’on n’ est pas capable d’en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas
1260 lique, on crie sur tous les bancs : « Alors, vous êtes pour un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vrai
1261 attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories dont je vais régler le co
1262 type : on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi,
1263 e l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi, ceux qui croient aux faits. Je le
1264 n qui rira le dernier. B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’
1265 s un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une démocratie progressiste et tolérante qui se livre
1266 ant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre institution-tabou. 1. Je ne pui
90 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 1. Mes prisons
1267 s trop au sérieux pour faire ici du sentiment, je suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dan
1268 plier le tapissier par le prix du mètre courant n’ est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les
1269 tre courant n’est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur de
1270 mmêlent… Et c’est cela l’enfance insouciante ? Qu’ est -ce qui ressemble plus au souci quotidien des grandes personnes ? Mais
1271 quotidien des grandes personnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes da
1272 guliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’ est qu’une dissonance douloureuse2. Deux angoisses dominent mon enfance :
1273 ci qui renaît chaque jour, je pense que tout cela tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en
1274 école, parce que c’est la loi. La première classe fut agréable : j’alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais
1275 lignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’ étais délicieusement seul parmi ces petits êtres en tabliers bleus qui alig
1276 uoi, j’étais délicieusement seul parmi ces petits êtres en tabliers bleus qui alignaient leurs bâtons en rêvant à leur manièr
1277 nd venait mon tour, je savais rarement où l’on en était . Cela m’attira des reproches acides, et naturellement, la phrase sacr
1278 sse plus aucune velléité d’originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit a
1279 iginalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge de 18 an
1280 type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être égaux en tout. Deux fois deux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait
1281 un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n’osais m’en servir craignant peut-être des découvertes
1282 uvris, c’est-à-dire que je me posai la question : est -ce vrai que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la premiè
1283 uestion : est-ce vrai que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai
1284 ivent être égaux en tout ? Et la première réponse fut  : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende
1285 out ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses conquêtes. C’étai
1286 marque indélébile de l’éducation jésuite ». Nous étions marqués par Numa Droz et les manuels des Frères ∴, par l’esprit petit
1287 s des Frères ∴, par l’esprit petit-bourgeois, qui est une généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui
1288 e l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu
1289 rois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verde
1290 é des décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immortels principes ». Je n’a
1291 ettre en doute : mais un jour je compris que ce n’ étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplif
1292 compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si évident, si parfaiteme
1293 t comme l’achèvement idéal et nécessaire — et qui était le seul pour lequel on nous préparait —, c’était un système d’abstrac
1294 isé des esprits moyens, prosaïques et rassis3 qui tiennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont
1295 s charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte
1296 -être matériel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de
1297 ions nous empêcher de croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas de choses douloureusement ennuye
1298 s un tas de choses douloureusement ennuyeuses qui sont dans les livres — et nulle part ailleurs. Maigre nourriture pour nos
91 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 2. Description du monstre
1299 ient changé ! On s’entendait d’autant mieux qu’on était devenus plus différents. Car ces différences sont les premières marqu
1300 tait devenus plus différents. Car ces différences sont les premières marques de la vie vécue et l’on aime à y découvrir la s
1301 eux-là n’avaient pas bougé. Et pour cause : ils n’ étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un
1302 a pas de solution de continuité, la différence n’ étant qu’une question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire es
1303 ’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand nombre de cas, mais pou
1304 e de le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son incompréhension méthodique des hommes et son mépris po
1305 des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’être cons
1306 u troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’ être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une façon li
1307 nte d’être consciencieux, à une façon blessante d’ être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une façon
1308 er les choses, à une façon théorique de juger les êtres . Ces distributeurs automatiques (brevetés par le gouvernement) de la
1309 auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas
1310 spect et trémolo d’un môssieu très instruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’un de ces cuistres pédants qu’on aime
1311 ants qu’on aime rencontrer dans des farces où ils sont drôles, mais non point dans la vie courante où ils le sont beaucoup m
1312 es, mais non point dans la vie courante où ils le sont beaucoup moins. Le Messieu fait sans doute des vers sur la violette,
1313 ent que c’est là son affaire : Monsieur en un mot est M’sieu l’Instituteur. Signes particuliers : cheveux longs, regard pro
1314 ceur. Car le type populaire du poète romantique s’ est dégradé en deux sous-types posthumes : l’artiste photographe et le ré
1315 ne à quoi peut mener l’enseignement donné par des êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque pendant que n
1316 les méthodes. Simple remarque pendant que nous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la
1317 la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est -ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprègne l’enseignement primaire
1318 de Numa Droz attirait les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des pe
1319 l’envie de dire du mal des petits bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe quelle autre classe de la s
1320 t et tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même tit
1321 est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autres maladies dites « sociales »
1322 es personnes, le décor. La laideur des collèges n’ est pas accidentelle. C’est celle même du régime. l’architecture de nos «
1323 un grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’un tel milieu, moral et matériel ? L’école publ
1324 riel ? L’école publique, telle que nous la voyons est semblable à tous ces monuments « de la mauvaise époque » qui sont dan
1325 tous ces monuments « de la mauvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècle. Ils ne parviennent ni à la
1326 parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’absen
1327 sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un style ; c’est même le
1328 le 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un style ; c’est même le pire.
92 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 3. Anatomie du monstre
1329 ne me contestera pas ces raisons puisqu’elles me sont absolument personnelles et qu’elles ont la valeur d’un témoignage, ni
1330 la valeur d’un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un petit examen aux principes de cette inst
1331 mpris ». Aux yeux de beaucoup de gens, la passion est aveuglante : cela tient pour une bonne part à ce que ces personnes on
1332 eaucoup de gens, la passion est aveuglante : cela tient pour une bonne part à ce que ces personnes ont les yeux faibles. Il s
1333 t à ce que ces personnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste de dire que la passion n’a qu’une clairvoyance intéressée 
1334 a qu’une clairvoyance intéressée : mais celles-là sont les plus vives. Enfin, je tiens à reconnaître qu’ici je ne cherche po
1335 e : mais celles-là sont les plus vives. Enfin, je tiens à reconnaître qu’ici je ne cherche point l’équité. Pas plus que vous
1336 . L’esprit d’équité, avec son préjugé pacifiste n’ est pas toujours l’esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de c
1337 ujours l’esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la vérité à la tranquillité bourgeoise.
1338 onnent la vérité à la tranquillité bourgeoise. Je tiens le « gain de paix » pour illusoire : il consiste à repousser la diffi
1339 uante ans de radicalisme sur les bras. L’écheveau est tellement embrouillé que déjà plusieurs proposent de trancher le nœud
1340 heures par semaine, au jugé. On s’arrange à faire tenir dans cette classification le plus possible de « connaissances » qui d
1341 es. La somme et l’arrangement des parties doivent être identiques pour tous les écoliers. Ce plan régit les huit années régl
1342 rectangulaires, bien proprement.) Évidemment, il est préférable de savoir aussi les noms des sciences élémentaires. Mais i
1343 ssi les noms des sciences élémentaires. Mais il n’ est en aucune façon nécessaire de connaître la psychologie des enfants, n
1344 sciences dont on écrit les noms dans les casiers. Est -ce que l’étude du trapézoïde est particulièrement indiquée pour prépa
1345 ans les casiers. Est-ce que l’étude du trapézoïde est particulièrement indiquée pour préparer les élèves à une composition
1346 comprenons pas la plaisanterie et que notre temps est précieux. D’ailleurs, les enfants ne se plaignent pas, de quoi vous p
1347 ye, et ils n’en meurent pas. Les examens Ce sont en principe des « contrôles » comparables à ceux que l’on établit lor
1348 urveiller. Mais en matière de sport, la tricherie est difficile, tandis qu’à l’école elle est de règle. Car la qualité et l
1349 tricherie est difficile, tandis qu’à l’école elle est de règle. Car la qualité et la quantité des réponses « fournies » par
1350 nt je disais tout à l’heure que la connaissance n’ est pas exigée de ceux qui établissent les programmes et les examens. « L
1351 divers maîtres primaires et secondaires. Ils n’en sont pas moins devenus le but même de l’instruction ; la fin qui justifie
1352 aisanteries de gros calibre, car à la vérité ce n’ est pas d’enseigner qu’il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrô
1353 nnaissances De l’existence des programmes, qui est un fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (
1354 un fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (réservons le mot d’idéal), découle cette exigence thé
1355 éorique : tous les enfants doivent à tout instant être en mesure 1° d’ingurgiter la même quantité de « matière » ; 2° d’en r
1356 mps. Contentons-nous de remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc sur une tranquille méconnaissa
1357 âchent tout rouge quand on leur dit que la Suisse est caractérisée, aux yeux de l’étranger impartial, par sa culture intens
1358 e plus parfait s’appelle le manuel. Un bon manuel est un résumé clair et portatif des résultats actuels d’une science. Le b
1359 dent à aucune réalité. Ils ne renferment rien qui soit de première main, rien qui soit authentique. Ils négligent toutes les
1360 nferment rien qui soit de première main, rien qui soit authentique. Ils négligent toutes les particularités, toutes les « pr
1361 ’il faut pour assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’une valeur éducat
1362 ce travail n’a qu’une valeur éducatrice : s’il n’ est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce
1363 une valeur éducatrice : s’il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’on nommait autre
1364  : s’il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’on nommait autrefois la belle ouvrage 
1365 conception pénitentiaire de l’école. Mais, s’il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindrissent.
1366 s, s’il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindrissent. La discipline scolaire consiste à faire t
1367 drissent. La discipline scolaire consiste à faire tenir les enfants immobiles et muets 6 heures par jour durant 8 ans. Il par
1368 de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces peti
1369 ue la discipline perd tout son sens éducatif et n’ est plus qu’une entrave énervante, un système de vexations mesquines, pro
1370 ue Tous les pontifes de l’instruction publique sont d’accord sur ce point : l’école primaire doit être une école de Démoc
1371 ont d’accord sur ce point : l’école primaire doit être une école de Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’i
1372 sur le fait que les leçons d’instruction civique sont insuffisantes pour former le petit citoyen : il faut que l’enseigneme
1373 citoyen : il faut que l’enseignement tout entier soit occasion de développer les vertus sociales de l’élève. « Une classe e
1374 pper les vertus sociales de l’élève. « Une classe est une société en miniature. » Ceci est une énorme bourde. Juxtaposez tr
1375 « Une classe est une société en miniature. » Ceci est une énorme bourde. Juxtaposez trente enfants sur les bancs d’une sall
1376 e, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à aucun état social existant. Ce qui est vrai, c’est que le fait, abs
1377 que ce soit à aucun état social existant. Ce qui est vrai, c’est que le fait, absolument nouveau dans l’Histoire, que l’on
1378 La culture de l’esprit démocratique telle qu’elle est comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise autreme
1379 t comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise autrement — est essentiellement négative. Elle consiste à pe
1380 teurs — et elle ne peut être comprise autrement — est essentiellement négative. Elle consiste à persécuter ceux qui, en que
1381 à persécuter ceux qui, en quelque manière que ce soit , voudraient « se distinguer ». (Le mépris que notre peuple met dans c
1382 y a pas d’égalité réelle possible tant que la loi est la même pour tous. Je ne parle pas des manuels d’histoire, dont il es
1383 . Je ne parle pas des manuels d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent une image mensongère de l’ancienn
1384 ’usage du peuple souverain qui ne manque pas d’en être flatté. Et puis, quelle est cette préparation à la vie qui commence p
1385 i ne manque pas d’en être flatté. Et puis, quelle est cette préparation à la vie qui commence par nous soustraire à l’influ
1386 nous soustraire à l’influence de la vie ? Quelle est cette éducation sociale qui enlève l’enfant à la famille ?5 Quel est
1387 sociale qui enlève l’enfant à la famille ?5 Quel est cet instrument de perfectionnement civique qui assure l’écrasement de
1388 on élève Le bon sens voudrait que le bon élève soit celui qui sait utiliser pour son profit humain la petite somme de con
1389 , ni plus ni moins.) Ou encore : que le bon élève soit celui qui supporte le mieux le traitement scolaire ; celui dont la va
1390 ées par l’école publique. Mais l’idéal de l’école est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit
1391 publique. Mais l’idéal de l’école est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit tout de nobless
1392 même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de
1393 grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’ est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une préméditation de médiocrit
1394 puis m’empêcher de trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a de bons points. Or les bons points vont aux parfaits imit
1395 , c’est comme des petits morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la mesure où l’inve
1396 s morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la mesure où l’invention est supérieure à
1397 périeure à Victoria dans la mesure où l’invention est supérieure à l’imitation. Mais Victoria montre une âme docile, un ras
1398 de ceux qui voient avec leurs yeux. Le bon élève est aussi l’élève discipliné. L’école veut que partout la valeur cède le
1399 mbéciles ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantage des gens en place, vieille histoire. On m’objectera s
1400 un grand nombre de régents, ne laissent pas que d’ être assez spéciales. Il arrive en effet que nos petits futurs grrrands ci
1401 bons élèves de diverses classes d’un collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité de leur jugement s
1402 er que la force et l’originalité de leur jugement sont en raison inverse du nombre d’années d’instruction publique qu’ils on
1403 u’accidentellement avec ceux du bon sens. Je m’en tiendrai là, renonçant pour cette fois à démontrer, ce qui serait facile, qu’i
1404 là, renonçant pour cette fois à démontrer, ce qui serait facile, qu’ils constituent une inversion méthodique de toutes les loi
1405 de d’abâtardissement de la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes dérivent nécessairement du fait q
1406 cipes dérivent nécessairement du fait que l’école est publique, obligatoire, et soumise au contrôle de l’État. Alors ? Ou
1407 vous combattez l’instruction publique — mais vous êtes , de ce fait, contre le régime. Il y a là, dirait M. Prudhomme, un bie
1408 M. Prudhomme, un bien grave dilemme. 4. Ce ne sont pas seulement les meilleurs qui sont sacrifiés. Voici ce que M. E. Du
1409 4. Ce ne sont pas seulement les meilleurs qui sont sacrifiés. Voici ce que M. E. Duvillard dit des enfants peu doués pou
1410 le de demain, Genève, Kündig, 1918, p. 12. 5. Il est peut-être avantageux dans certains cas de soustraire l’enfant à l’inf
1411 re ? 6. Justice démocratique, égalité, légalité, sont les meilleures armes de la bassesse contre toute valeur réelle, absol
93 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 4. L’illusion réformiste
1412 L’illusion réformiste Bien entendu, tout cela a été dit. (Un peu autrement, j’en conviens.) On n’a pas attendu ma colère
1413 ique. Les réformes qu’ils ont proposées jusqu’ici sont en général judicieuses, dictées par le bon sens7 et retouchées par le
1414 toute science. On a constaté que l’école actuelle est fondée sur une remarquable ignorance de la psychologie infantile. Où
1415 oms des rues et places de leur ville, comme s’ils étaient tous destinés à la profession de chauffeurs de taxi. Si cette concept
1416 taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à craindre que l’école nouvelle n’apporte bientôt sa méthode rationne
1417 s déponents ; désormais l’étude des verbes actifs sera aussi active, un élève se mettra à marcher dans le couloir en s’écria
1418 ue juste la spontanéité nécessaire pour que ça ne soit pas une lourde farce. Ces exagérations ne sont pas bien graves, parce
1419 ne soit pas une lourde farce. Ces exagérations ne sont pas bien graves, parce qu’elles sont comiques précisément. Je ferai à
1420 gérations ne sont pas bien graves, parce qu’elles sont comiques précisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’une a
1421 ar eux-mêmes ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’ est -ce qu’une liberté méthodiquement organisée ? En réalité, cet amusemen
1422 êmes de sa liberté. « Instruire en amusant » peut être la formule d’une tromperie subtile et plus grave que la brutalité pri
1423 ts… Je reconnais que les buts de l’école nouvelle sont honnêtement scientifiques, et désintéressés. Mais l’enfant-cobaye vau
1424 us ces mouvements des possibilités lointaines qui sont pour me plaire ; un grignotement du système officiel qui pourrait bie
1425 e songe au maître antique, dont toute la personne était un enseignement, et qui n’avait pas des élèves, mais des disciples. C
1426 uent des programmes, et dont les classes joyeuses sont de vraies foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur f
1427 ents et organisés. Je crains que ce malentendu ne soit décidément trop gros pour échapper plus longtemps à MM. les Inspecteu
1428 progresse qu’à la faveur de malentendus (si tant est qu’il progresse). L’école nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire q
1429 as. Mais du point de vue de la vérité, force nous est de reconnaître que notre dilemme subsiste dans son intégrité et son u
1430 rité et son urgence. 7. Ou des appareils qui en tiennent lieu. 8. Voir à l’appendice le sens que je donne à ce mot.
94 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 5. La machine à fabriquer des électeurs
1431 rpétue ; de quel droit il nous écrase. La réponse est simple, terriblement simple : du droit de la Démocratie. L’instructio
1432 mocratie. L’instruction publique et la Démocratie sont sœurs siamoises. Elles sont nées en même temps. Elles ont cru et embe
1433 ique et la Démocratie sont sœurs siamoises. Elles sont nées en même temps. Elles ont cru et embelli d’un même mouvement. Mor
1434 ntends qu’on ne me conteste pas cette thèse. Elle est glorifiée dans tous les banquets officiels par des orateurs émus et i
1435 correspondre à des faits patents et simples ; il serait vraiment dommage de priver ces Messieurs d’une aubaine pour eux si ra
1436 est que la Démocratie sans l’instruction publique est pratiquement irréalisable. Ici, je demanderai poliment au lecteur de
1437 it pas le temps de se rendre compte que tout cela est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps d’écouter la nature qui répète
1438 fois, une seule fois, sait bien que tout le reste est absurde. Et voilà pour les sœurs siamoises. Continuons. La démocratie
1439 ocratie doit à l’École de vivre encore. Mais ce n’ est de la part de notre Institutrice qu’un rendu. Car dans ce monde-là « 
1440 autant10. Je dis simplement ceci : leur œuvre n’a été possible que parce qu’elle était liée aux intérêts de la démocratie.
1441 i : leur œuvre n’a été possible que parce qu’elle était liée aux intérêts de la démocratie. Car il faut bien se représenter q
1442 cratie. Car il faut bien se représenter qu’elle n’ était encore au xviiie siècle qu’une utopie de partisans. Il ne serait guè
1443 xviiie siècle qu’une utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’hui qu’on répande universellement
1444 atoirement l’art du saxophone ou de la balalaïka. Soyez certains qu’il ne manque à cette plaisanterie, pour prendre corps, qu
1445 re instrument de progrès par excellence. Car il n’ est qu’une explication vraisemblable de cette incurie : l’école, sous sa
1446 it suffisamment son rôle politique et social, qui est de fabriquer des électeurs (si possible radicaux, en tout cas démocra
1447 il torve. Durant l’opération, tous les crânes ont été décervelés et dotés d’une petite mécanique à quatre sous qui suffit à
1448 taux qui peuvent apparaître chez les enfants ? Ce serait de l’art pour l’art. On ne peut pas en demander tant aux gouvernement
1449 vernements. La réforme scolaire, politiquement, n’ est pas rentable. Il est clair que si le but principal de l’instruction p
1450 e scolaire, politiquement, n’est pas rentable. Il est clair que si le but principal de l’instruction publique était d’éduqu
1451 que si le but principal de l’instruction publique était d’éduquer le peuple d’une façon désintéressée, les gouvernements sera
1452 uple d’une façon désintéressée, les gouvernements seraient un peu plus fous qu’on n’ose les imaginer de ne pas entreprendre sur
1453 les gouvernements savent ce qu’ils font. Tout se tient , comme vous dites, sans doute pour m’ôter l’envie de bousculer quoi q
1454 oute pour m’ôter l’envie de bousculer quoi que ce soit . J’aime les tremblements de terre, vous tombez mal. J’appartiens à ce
1455 . Et quand vous les démoliriez tous, ma rage n’en serait pas moins légitime. Je lui donne raison par définition. Après tout, p
1456 gies politiques, et peu m’importerait que l’École soit une machine à fabriquer de la démocratie — si je ne sentais menacées
1457 ns cette aventure des valeurs d’âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement de l’év
1458 e tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement de l’évolution dont je viens de décrire la marche néc
1459 ourgeois. Essayer de venir me dire ça chez moi, n’ est -ce pas, mes agneaux. C’est justement dans la mesure où je participais
1460 our amorcer le dégel de ces principes, et ce peut être le signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a de révolution vé
1461 ésente. 10. Voir note A à la fin du cahier. 11. Est -il besoin de déclarer formellement qu’une telle attitude n’est en auc
1462 de déclarer formellement qu’une telle attitude n’ est en aucune façon tributaire de l’idéologie réactionnaire à la mode. Ma
95 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 6. La trahison de l’instruction publique
1463 , le procureur prit un ton plus grave.) L’école s’ est vendue à des intérêts politiques. C’était là, nous venons de le voir,
1464 s promet de tous côtés de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouissent mauvaisement. (« C’est bien fait. C’étai
1465 étend ouvertement nous éduquer. D’ailleurs elle y est obligée dans la mesure où elle réalise son ambition : soustraire les
1466 ais schématiques. Or l’École radicale ne peut pas être idéaliste : car elle deviendrait un danger pour le désordre établi. L
1467 it un danger pour le désordre établi. L’idéalisme est forcément révolutionnaire dans un monde organisé pour la production.
1468 ion. Ceci fait, constatez avec moi que la famille était encore un milieu naturel, donc normatif. Le collège au contraire est
1469 u naturel, donc normatif. Le collège au contraire est un milieu antinaturel, et les normes sociales qu’on prétend y substit
1470 qu’on prétend y substituer à celles de la famille sont falsifiées. Non seulement l’École ne constitue pas le pôle idéaliste
1471 e époque ! On parle sans cesse de ses besoins. Il est vrai qu’elle est anormalement insatiable… Je crois qu’elle a surtout
1472 le sans cesse de ses besoins. Il est vrai qu’elle est anormalement insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin d’une purg
1473 je répondrai que dans la mesure où cette exigence est satisfaite naît un nouveau besoin qui est précisément d’échapper à ce
1474 xigence est satisfaite naît un nouveau besoin qui est précisément d’échapper à cette organisation. Or il semble bien que no
1475 cette organisation. Or il semble bien que nous en soyons -là, s’il faut en croire les signes de révolte qui apparaissent de tou
1476 s d’une renaissance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favorise le culte exclusif de l’utile, l’incompréhensio
1477 e consciencieuses poires, des esclaves du mot. Il est clair, par exemple, que seules les victimes de l’instruction helvétiq
1478 e seules les victimes de l’instruction helvétique sont capables d’absorber sans fou rire les discours de tirs fédéraux. On a
1479 se résigner à l’état de citoyen bagnard auquel il est promis. Mais elle tue tout ce qui lui donnerait l’envie de se libérer
1480 le procès de la bêtise humaine qu’en tant qu’elle est cultivée par l’État), l’École, après avoir entraîné l’âme moderne dan
96 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 7. L’Instruction publique contre le progrès
1481 et d’ailleurs vous aimez les idées généreuses, n’ est -ce pas ? J’en étais sûr. Cependant j’ai peur que mon progrès ne soit
1482 s aimez les idées généreuses, n’est-ce pas ? J’en étais sûr. Cependant j’ai peur que mon progrès ne soit pas le vôtre, et mêm
1483 étais sûr. Cependant j’ai peur que mon progrès ne soit pas le vôtre, et même que sa nature ne l’entraîne dans une direction
1484 érez le sur-place. Ainsi l’instruction publique s’ est arrêtée aux environs de 1880 et depuis lors n’a guère bougé. Le moteu
1485 blic s’aperçoit que « l’instrument de progrès » n’ est qu’un camouflage à l’abri duquel on distille du radicalisme intégral.
1486 observer que beaucoup des servants de la machine sont socialistes : voilà qui ne change pas le rendement, j’imagine, ni la
1487 : avoir obtenu un conformisme de la curiosité. Il est vrai qu’il ne fallait pas moins pour assurer la sécurité d’un régime
1488 auteuils ; car un peuple d’électeurs fantaisistes serait parfois tenté de retirer brusquement ces sièges, farce connue et qui
1489 celle-ci : je prétends que l’instruction publique est une puissance conservatrice. — Pas moins ! Elle est destinée à légiti
1490 t une puissance conservatrice. — Pas moins ! Elle est destinée à légitimer par la force de l’inertie et à perpétuer mécaniq
1491 ’inertie et à perpétuer mécaniquement tout ce qui est depuis Numa Droz. Conservatrice, et non pas réactionnaire, non, même
1492 gent, stimulent, vivifient. L’École se contente d’ être figée. Est-ce un frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’enlise
1493 ent, vivifient. L’École se contente d’être figée. Est -ce un frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’enlise notre civil
1494 rver des siècles encore… Or si je dis que l’École est contre le progrès, c’est que le progrès consiste à dépasser la Démocr
1495 int de le dire, avec ce sens exquis du cliché qui est un hommage à vos maîtres respectés. La Démocratie, par le moyen de l’
1496 e opération deux temps : d’abord critiquer ce qui est — par la comparaison avec ce qui fut, ou ce qui devrait être ; ensuit
1497 iquer ce qui est — par la comparaison avec ce qui fut , ou ce qui devrait être ; ensuite, préparer le terrain pour les jeux
1498 la comparaison avec ce qui fut, ou ce qui devrait être  ; ensuite, préparer le terrain pour les jeux nouveaux que l’humanité
1499 social correspond à un recul humain. Par exemple, est -ce un progrès que d’avoir remplacé les hiérarchies de tradition, avec
1500 t de grandeur que ce mot comporte — quelles qu’en soient d’ailleurs les réalisations —, par des hiérarchies rond-de-cuiresques
1501 des hiérarchies rond-de-cuiresques dont l’origine est un pis-aller, dont la méthode est le tirage au flanc lucratif, dont l
1502 dont l’origine est un pis-aller, dont la méthode est le tirage au flanc lucratif, dont l’esprit est la jalousie rancie arm
1503 de est le tirage au flanc lucratif, dont l’esprit est la jalousie rancie armée de pédantisme, et je ne parle pas du décor,
1504 critique du fonctionnarisme, vous alliez le dire, est un ramassis de lieux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup q
1505 électeurs les considèrent comme tels. Et je ne me tiendrai pas pour battu quand on m’aura fait remarquer que la plupart des inte
1506 a fait remarquer que la plupart des intellectuels sont convertis depuis longtemps à ces idées antidémocratiques : il est tem
1507 puis longtemps à ces idées antidémocratiques : il est temps qu’elles débordent ce cercle étroit et distingué. Il y a de gra
1508 onse que je lui réserve ? L’instruction publique est la forme la plus commune de la peste rationaliste qui sévit dans le m
1509 alistes. En vérité, démocratie et rationalisme ne sont que deux aspects, l’un politique, l’autre intellectuel, d’une même me
1510 ’autre intellectuel, d’une même mentalité. Elle s’ est développée au xviiie dans l’aristocratie qui n’y voyait qu’un jeu. D
1511 i n’y voyait qu’un jeu. Durant tout le xixe elle est descendue dans la bourgeoisie et dans le peuple ; elle y est devenue
1512 ue dans la bourgeoisie et dans le peuple ; elle y est devenue une tyrannie. Avant il y avait la Raison et les sentiments. M
1513 mière tâche constitue un programme si riche qu’il est superflu d’en formuler une seconde. Laissons ce soin, à des génératio
1514 gélienne ; on y retrouve facilement les triades : être —négation de l’être — nouvel être. Notre époque serait le deuxième te
1515 ouve facilement les triades : être —négation de l’ être — nouvel être. Notre époque serait le deuxième temps d’une de ces tri
1516 t les triades : être —négation de l’être — nouvel être . Notre époque serait le deuxième temps d’une de ces triades. Son rati
1517 e —négation de l’être — nouvel être. Notre époque serait le deuxième temps d’une de ces triades. Son rationalisme nie l’être s
1518 emps d’une de ces triades. Son rationalisme nie l’ être sous toutes ses formes, traduit tout en relations et veut rendre tout
1519 existences particulières, ou bien c’est qu’elles sont déjà mortes. Mais le temps vient où elles renaîtront à une vie nouvel
1520 périeur d’inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’intégrer la raison. Je crois que nous approch
1521 çonnaient-ils que la république qu’ils appelaient serait livrée cent ans plus tard à peine à la folie démocratique, à cette da
1522 déjà secrètement, que ce mépris et ce scepticisme sont d’un ridicule écrasant, sous lequel vous ne tarderez pas à périr. 1
97 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Appendice. Utopie
1523 s rassurer quant à ma santé mentale.) La question est de savoir si nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou des pant
1524 santé mentale.) La question est de savoir si nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiend
1525 chair et d’esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra les ficelles, peu importe.) Les économistes (mot stupide) et les phil
1526 s s’accordent sur un point : le salut de l’Europe est lié à la naissance d’une nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à d
1527 tue ce manque d’imagination dont les conséquences seront matériellement catastrophiques pour peu que cela continue. Qu’on ne s
1528 . Qu’on ne s’y trompe pas : le sens technique qui tient lieu d’imagination à l’homme moderne n’est pas créateur d’êtres spiri
1529 qui tient lieu d’imagination à l’homme moderne n’ est pas créateur d’êtres spirituellement vivants, ni d’aucune grandeur su
1530 magination à l’homme moderne n’est pas créateur d’ êtres spirituellement vivants, ni d’aucune grandeur supérieure à la somme d
1531 publique. Cela promet des grabuges inouïs. Il ne tient peut-être qu’à une forte équipe d’idéalistes pratiques d’en faire sor
1532 ants de l’ordre spirituel retrouvent le courage d’ être , malgré les mots14, des anarchistes et des utopistes. J’appelle anarc
1533 des utopistes. J’appelle anarchiste, tout ce qui est violemment et intégralement humain. L’anarchie est un degré d’intensi
1534 st violemment et intégralement humain. L’anarchie est un degré d’intensité dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste,
1535 extrémiste, de droite comme de gauche, se trouve être dans une certaine mesure un anarchiste s’il défend son opinion de tou
1536 un anarchiste embrigadé. L’anarchiste que j’aime est simplement un homme libre qui a une foi (ou un amour) et qui s’y cons
1537 l’inventeur. Les sots vont répétant que c’est un être qui ignore le réel. C’est justement parce qu’il le connaît mieux qu’e
1538 ignifie pas s’y soumettre sans combat. L’utopiste est celui qui ne se résigne à aucun état de choses. Il est pour le « mieu
1539 elui qui ne se résigne à aucun état de choses. Il est pour le « mieux » contre le « bien ». Sans lui l’humanité s’avachirai
1540 s lui l’humanité s’avachirait totalement. Mais il est dans l’ordre qu’elle beugle longuement tout en le suivant. Que faire,
1541 ple, je vous demande une fois pour toutes si vous tenez , oui ou non, M. W. Rosier, auteur de manuels d’histoire et de géograp
1542 us, pour l’esprit le plus dangereusement plat qui soit . (Il est plus que plat : il est creux.) Si beaucoup de personnes répo
1543 ’esprit le plus dangereusement plat qui soit. (Il est plus que plat : il est creux.) Si beaucoup de personnes répondent oui
1544 usement plat qui soit. (Il est plus que plat : il est creux.) Si beaucoup de personnes répondent oui, cela finira par créer
1545 t là l’occasion de racheter bien des choses. Ce n’ est rien de moins qu’une rédemption du journalisme, ce que je propose-là.
1546 er. Il s’agit de lui faire comprendre que l’école est le plus gros obstacle à sa culture. Et c’est cela, préparer le terrai
1547 e terrain. D’autre part, il faut partir de ce qui est . Mais comment retourner contre l’ennemi ses propres batteries ? Autre
1548 d’une concentration, dans quelque domaine que ce soit . Si l’Occident comprenait cette vérité élémentaire et en tirait des c
1549 rait des conclusions immédiates, non seulement il serait sauvé du désastre, mais il recouvrerait la domination du monde16 et n
1550 piration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que je m’en doute. Mais l’Occidental auss
1551 des sources d’énergie nouvelle. Le parallèle peut être poussé dans les détails. Il s’agit bien d’un geste identique, exécuté
1552 que, exécuté dans deux plans différents. Le drill est un yoga corporel, le yoga est un drill de l’esprit. Je sais que ces d
1553 ifférents. Le drill est un yoga corporel, le yoga est un drill de l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux e
1554 t un drill de l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux et impopulaires. Tout comme ce qu’ils désignent d’aill
1555 regarder. De faire connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré de dire que tout homme gagnerait à posséder une plus gra
1556 re les étouffer. Cependant, je ne crois pas qu’il soit bon que tous progressent de la même manière. Dans un système de cultu
1557 sants. De même, le bien supérieur de quelques-uns est plus utile à tous que le bien médiocre de beaucoup. La valeur vaut mi
1558 nce. Et c’est pourquoi l’aristocratie de l’esprit est nécessaire au bien public. Certains proposent en rougissant de leur h
1559 … Par la force des choses et de l’Esprit, l’homme sera-t -il sauvé de sa folie démocratique ?   Areuse, 26 décembre 1928-10 ja
1560 e, 26 décembre 1928-10 janvier 1929.   NOTE A On est toujours tenté d’attribuer à ses adversaires des intentions noires et
1561 noires et consciemment criminelles. Ce travers a été développé jusqu’au ridicule par la démocratie. Les journaux, les cerc
1562 re : « Mais Monsieur, M. Machin que vous attaquez est pourtant un très brave homme, il fait partie du conseil de la paroiss
1563 e du conseil de paroisse. Je préciserai donc : je tiens l’École pour criminelle. Mais je ne tiens pas tous les instituteurs p
1564 nc : je tiens l’École pour criminelle. Mais je ne tiens pas tous les instituteurs pour gibier de potence. Ils font beaucoup d
1565 er de potence. Ils font beaucoup de mal, mais ils sont les premières victimes du système qu’il propagent et qui les fait viv
1566 rend conscience de la nocivité de son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont-ils dans la même mesure conscients d
1567 son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont -ils dans la même mesure conscients des fins qu’on assigne à leur acti
1568 que a une foi et la conscience de cette foi, il n’ est d’enseignement véritable que religieux. Mais les questions confession
1569 ez de la grande vulgarité de mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein sens du mot, c’est le genre distingué de la bourge
1570 s. 16. On promet des confitures à l’enfant, s’il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime que la liberté.
98 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Avant-propos
1571 , décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moins ph
1572 qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, moins philosophique et point du tout technique. J’ap
1573 s un régime radical à sécrétion socialiste, qui a été établi par coup de force, que les libéraux ont admis, conformément à
1574 areils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, parce que j’en ai gros sur le cœur. D’ailleurs, ce petit écr
1575 ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Défi
1576 nds pas même parler au nom de ma génération, ne m’ étant pas livré à l’enquête préalable qui seule eût pu, à la rigueur, me do
1577 Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’être complices d
1578 s nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’ être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait l’es
1579 plices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’ est en fait l’esprit démocratique. Là-dessus, ces messieurs se lamentent,
1580 mour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’ est pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde auss
1581 e l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’ est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitup
1582 . Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie, même si l’on n’est pa
1583 érer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie, même si l’on n’est pas capable d’en faire soi-
1584 a soupe est brûlée, on la renvoie, même si l’on n’ est pas capable d’en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas
1585 lique, on crie sur tous les bancs : « Alors, vous êtes pour un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vrai
1586 attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories dont je vais régler le co
1587 type : on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi,
1588 e l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi, ceux qui croient aux faits. Je le
1589 qui rira le dernier. B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’
1590 s un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une démocratie progressiste et tolérante qui se livre
1591 ant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre institution-tabou.   1. Je ne p
99 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 1. Mes prisons
1592 s trop au sérieux pour faire ici du sentiment, je suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dan
1593 plier le tapissier par le prix du mètre courant n’ est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les
1594 tre courant n’est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur de
1595 mmêlent… Et c’est cela l’enfance insouciante ? Qu’ est -ce qui ressemble plus au souci quotidien des grandes personnes ? Mais
1596 quotidien des grandes personnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes da
1597 guliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’ est qu’une dissonance douloureuse. 3 Deux angoisses dominent mon enfance 
1598 ci qui renaît chaque jour, je pense que tout cela tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en
1599 école, parce que c’est la loi. La première classe fut agréable : j’alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais
1600 lignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’ étais délicieusement seul parmi ces petits êtres en tabliers bleus qui alig
1601 uoi, j’étais délicieusement seul parmi ces petits êtres en tabliers bleus qui alignaient leurs bâtons en rêvant à leur manièr
1602 nd venait mon tour, je savais rarement où l’on en était . Cela m’attira des reproches acides, et naturellement, la phrase sacr
1603 se plus aucune velléité d’originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit a
1604 ginalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge de 18 an
1605 type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être égaux en tout. Deux fois deux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait
1606 un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n’osais m’en servir craignant peut-être des découvertes
1607 vris, c’est-à-dire que je me posais la question : est -ce vrai que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la premiè
1608 uestion : est-ce vrai que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai
1609 ivent être égaux en tout ? Et la première réponse fut  : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende
1610 out ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses conquêtes. C’étai
1611 marque indélébile de l’éducation jésuite ». Nous étions marqués par Numa Droz, par l’esprit petit-bourgeois, qui est une géné
1612 par Numa Droz, par l’esprit petit-bourgeois, qui est une généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui
1613 e l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu
1614 rois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verde
1615 é des décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immortels principes ». Je n’a
1616 ettre en doute : mais un jour je compris que ce n’ étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplif
1617 compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si évident, si parfaiteme
1618 t comme l’achèvement idéal et nécessaire — et qui était le seul pour lequel on nous préparait — c’était un système d’abstract
1619 nisé des esprits moyens, prosaïques et rassis qui tiennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont
1620 s charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte
1621 -être matériel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de
1622 ions nous empêcher de croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas de choses douloureusement ennuye
1623 s un tas de choses douloureusement ennuyeuses qui sont dans les livres — et nulle part ailleurs. Nous arrivions dans la vie
100 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 2. Description du monstre
1624 ient changé ! On s’entendait d’autant mieux qu’on était devenu plus différents. Car ces différences sont les premières marque
1625 était devenu plus différents. Car ces différences sont les premières marques de la vie vécue et l’on aime à y découvrir la s
1626 eux-là n’avaient pas bougé. Et pour cause : ils n’ étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un
1627 a pas de solution de continuité, la différence n’ était qu’une question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire es
1628 ’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand nombre de cas, mais pou
1629 e de le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son incompréhension méthodique des hommes et son mépris po
1630 des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’être cons
1631 u troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’ être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une façon li
1632 nte d’être consciencieux, à une façon blessante d’ être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une façon
1633 er les choses, à une façon théorique de juger les êtres . Ces distributeurs automatiques (brevetés par le gouvernement) de la
1634 auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas p
1635 ne à quoi peut mener l’enseignement donné par des êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque, pendant que
1636 es méthodes. Simple remarque, pendant que nous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la
1637 la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est -ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprègne l’enseignement primaire
1638 de Numa Droz attirait les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des pe
1639 l’envie de dire du mal des petits-bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe quelle autre classe de la s
1640 t et tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même tit
1641 est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autres maladies dites « sociales »
1642 ersonnes, le décor. La laideur des « collèges » n’ est pas accidentelle. C’est celle même du régime. L’architecture de nos «
1643 un grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’un tel milieu, moral et matériel ? L’école publ
1644 riel ? L’école publique, telle que nous la voyons est semblable à tous ces monuments « de la mauvaise époque » qui sont dan
1645 tous ces monuments « de la mauvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècle. Ils ne parviennent ni à la
1646 parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’absen
1647 sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un style : c’est même le
1648 le 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un style : c’est même le pire.